dimanche 28 juin 2015

Lecture: Le fil du rasoir


Un peu au hasard dans ma recherche de lecture sur le mois anglais, je suis tombée sur ce roman de Somerset Maugham. J'ai la vague impression d'avoir étudié des textes de lui au collège ou lycée en cours d'anglais, je me souviens de la collection Penguin qu'il avait fallu trouver, mais je suis bien incapable de dire ce que c'était!

C'est donc sans idée aucune d'à quoi m'attendre que je me suis lancée dans la lecture de ce roman.

Résumé: " La guerre a laissé des traces sur Larry: en revenant il n'était plus le même qu'en partant": Larry et Isabel s'aiment depuis leur jeunesse mais ne partagent plus les mêmes rêves. Ancien pilote de chasse miné par la guerre, il est assoiffé d'absolu. Elle est ambitieuse, mondaine et adore fréquenter les aristocrates, qu'ils soient européens ou américains. Il décide de rompre et s'en va arpenter le monde; elle n'aura de cesse de tenter de le reconquérir.

C'est un peu réducteur à mon avis de résumer le roman à l'histoire de Larry et Isabel, car même si c'est une sorte de fil conducteur, le livre aborde bien d'autres thèmes, et Larry et Isabel ne sont pas les seuls personnages principaux du roman.

Premier personnage qui apparaît, c'est le narrateur, l'auteur lui-même qui se met en scène, comme si le roman lui était véritablement arrivé. On se demande d'ailleurs ce qui est réel et ce qui ne l'est pas. Maugham lui-même nous met dans ce flou dès les premières lignes: "Et si j'appelle ce livre un roman, c'est parce que je ne sais vraiment quel autre nom lui donner. (…) Je n'ai rien inventé. Pour éviter d'embarrasser des gens encore vivants, j'ai donné aux personnages de ce récit des noms de fantaisie, et j'ai pris d'autres précautions encore afin de m'assurer que nul ne puisse les reconnaître."

Vient ensuite Elliott, c'est lui que connaît Maugham, et qui va lui faire rencontrer tous les autres protagonistes. J'ai beaucoup aimé ce personnage, si attaché à l'apparence, à l'opinion que les gens ont de lui, à sa place dans le monde, mais pourtant avec un grand coeur. Il est presque caricatural, avec son besoin d'être toujours en vue, au point de souffrir du rejet dont il fera l'objet vers la fin de sa vie, quand les moeurs changent, et que ceux qui étaient mis à l'écart de la bonne société en deviennent le pivot, mais à toujours chercher à faire partie de ce monde qui compte, jusqu'au bout.

Et puis bien sûr, il y a Isabel et Larry. Jeunes et amoureux au départ du roman, mais avec des aspirations tellement opposées que la vie les sépare. Isabel fait un mariage raisonnable, qui lui permet de s'assurer une vie confortable, telle qu'elle l'a toujours connu. Et grâce à la bonté de son oncle, même la crise de 29 qui ruine son mari ne la ramène pas à un niveau de vie plus faible, elle conservera jusqu'au bout son style de vie avec les sorties, les grands couturiers.... Pourtant, si elle paraît très simple à comprendre, Isabel est un personnage complexe, animé d'une passion qui la mènera à toutes les duplicités pour obtenir ce qu'elle veut, et seul le narrateur va la percer à jour, révélant une facette très différente de la femme mondaine qui apparaît au prime abord. C'est sans conteste mon personnage favori, femme lucide qui dès son plus jeune âge a tout compris, au point de ne pas demander à Larry de renoncer à tout pour elle, car "Le sacrifice est plus, je crois, dans la nature féminine que dans celle de l'homme".

Larry, quant à lui, est à la recherche de quelque chose d'indéfini, qu'on découvre au fur et à mesure du roman, même si c'est finalement le personnage qui me laisse le plus perplexe: il semble que la guerre et la mort de ses camarades l'aient profondément marqué, au point de le transformer, mais j'ai un peu de mal à comprendre sa quête et ses motivations. Il rejette toutes les propositions qui lui sont faites d'un emploi et d'une vie rangée, ce que je peux comprendre, pour partir à la recherche d'un idéal, sans vraiment savoir ce qu'il cherche, et au fil de ses voyages, découvre d'autres cultures, d'autres pensées, qui lui permettent de s'élever. Mais même si c'est un personnage profondément croyant, sans pour autant croire en Dieu, même si c'est un personnage "noble", lui qui est capable de tout donner à des "malheureux" n'est pas capable de voir l'impact de ses actes sur celle qui reste pour toujours amoureuse de lui, au point de faire basculer plusieurs destins. Dans le monde matérialiste décrit par Maugham, il est presque invraisemblable, et c'est le personnage que j'ai eu le plus de mal à apprécier et cerner.

Outre les personnages, ce roman est une savoureuse description de la vie des années 20, en particulier dans les milieux aisés américains: familles riches mais sans goût, importance du travail pour ces gens qui ont l'argent, mais pour qui l'effort fait sens, impact de la crise de 29 sur ces familles de banquiers qui ont tout perdu... On passe des beaux quartiers parisiens à la vie des artistes et de leurs muses, de Londres à la Riviera, les personnages se croisent, mélangeant milieux et genres, grâce à la présence du narrateur qui gravite dans tous les mondes.

Ce roman est une pépite, il m'a énormément plu, c'est une très belle découverte, encore une fois grâce au mois anglais qui me pousse à élargir mon champ de lectures.

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Participation au mois anglais!

4 commentaires:

  1. J'avais lu La passe dangereuse (http://ya-dla-joie.over-blog.com/article-24802733.html) une nouvelle de Maugham (j'avais beaucoup aimé) après avoir vu son adaptation (très libre) au cinéma (Le voile des illusions). Ce roman me tente beaucoup!

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  2. Voilà qui semble intéressant. J'aime aussi beaucoup l'ambiance des années 20 !

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  3. Je l'avais acheté un peu par hasard et j'ai vraiment beaucoup aimé !

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  4. Je t'envie et je le note, c'était exactement ce que j'aurais aimé lire.

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