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jeudi 10 mai 2018

Lecture: Les filles au lion


Comme j'avais bien aimé "Miniaturiste", j'ai emprunté sans hésiter le deuxième roman de Jessie Burton.

Résumé: En 1967, cela fait déjà quelques années qu'Odelle, originaire des Caraïbes, vit à Londres. Elle travaille dans un magasin de chaussures mais elle s'y ennuie, et rêve de devenir écrivain. Et voilà que sa candidature à un poste de dactylo dans une galerie d'art est acceptée; un emploi qui pourrait bien changer sa vie. Dès lors, elle se met au service de Marjorie Quick, un personnage haut en couleur qui la pousse à écrire. Elle rencontre aussi Lawrie Scott, un jeune homme charmant qui possède un magnifique tableau représentant deux jeunes femmes et un lion. De ce tableau il ne sait rien, si ce n'est qu'il appartenait à sa mère. Marjorie Quick, à qui il soumet la mystérieuse toile, a l'air d'en savoir plus qu'elle ne veut bien le dire, ce qui pique la curiosité d'Odelle. La jeune femme décide de déchiffrer l'énigme des Filles au lion. Sa quête va révéler une histoire d'amour et d'ambition enfouie au coeur de l'Andalousie des années 30, alors que la guerre d'Espagne s'apprête à faire rage.

Comme pour Miniaturiste, j'ai été happée par l'histoire, n'ayant qu'une hâte, aller au bout de ces pages et découvrir, comme Odelle, le secret de ce tableau qui donne son titre au roman.
Après "L'écliptique", lu en début d'année, voilà un deuxième livre qui aborde le thème de l'art, de la création artistique, à la fois la peinture et l'écriture.
La façon de traiter le sujet n'est pas la même dans les deux romans, mais ils posent tous les deux la question du passage de la création pour soi à la création pour les autres, et les contraintes que cela engendre pour l'artiste.

Dans le "présent", Odelle veut être écrivain, elle écrit des poèmes mais voudrait écrire un roman. Grâce à sa rencontre avec Marjorie Quick, sa nouvelle patronne, elle va remettre en question sa façon d'appréhender la création: "J'avais écrit pendant si longtemps dans le but précis de provoquer l'approbation que j'avais oublié la genèse de mon impulsion: la création pure, libre, existant en dehors des paramètres de la réussite et de l'échec. Et à un moment donné, cette envie de faire quelque chose de "bon" avait fini par paralyser ma conviction que je pouvais écrire." Mais Marjorie Quick va lui rappeler qu'elle ne doit pas écrire pour l'approbation des autres, que sa personne en tant que telle n'est pas conditionnée par ce qu'elle écrit, qu'il faut qu'un artiste sache "séparer sa propre valeur de celle de sa production".
Cette prise de conscience va permettre à Odelle de reprendre la plume pour enfin laisser libre cours à son talent.
Cette notion de "séparer sa propre valeur de celle de sa production" s'applique dans le domaine de l'art, mais dans la vie en général. Apprendre à mettre de la distance entre les échecs/réussites dans le domaine professionnel et ce que l'on vaut n'est pas toujours facile, en tout cas pour moi, ce qui explique que les mots de Marjorie et d'Odelle ont eu une résonance particulière avec mon vécu. Si seulement je savais ne pas me sentir mise en cause quand tout n'est pas parfait, quand quelque chose ne fonctionne pas comme prévu....

Dans le "passé", c'est une autre approche de la création, et de la reconnaissance de l'artiste qui nous est présentée au travers d'Olive. En tombant amoureuse elle libère son génie créatif. Son attirance pour Isaac sert de catalyseur à ton talent déjà réel, même si elle n'en a pas conscience. Comme lui dit Isaac: "Je crois que tu as toujours eu ça en toi, prêt à sortir. Il se trouve que j'étais là au bon moment, pour que tu m'utilises comme une toile."
Mais Isaac n'est pas qu'un catalyseur de son talent, c'est aussi grâce à lui qu'elle va pouvoir le faire connaître au monde. Car Olive est une femme dans un monde où les peintres reconnus sont surtout des hommes, et son propre père, marchand d'art, n'expose jamais d'artistes féminines. Se pose alors la question de la valeur d'une oeuvre par rapport à son auteur:
"- Mon père [...] veut montrer le tableau d'Isaac à Paris, pas le mien.
- Mais vous n'avez qu'à lui dire que c'est vous qui l'avez peint.
- Est-ce que ce serait le même tableau? [...]. Je ne pense pas que mon père ferait preuve du même enthousiasme s'il savait que c'est moi qui l'ai peint".
Regarde t'on avec le même oeil un peintre inconnu ou un peintre célèbre? Est-ce qu'on attribue de la valeur à certaines oeuvres plus qu'à d'autres à cause de ceux qui les ont faites?

Si ce roman fait réfléchir sur la création, c'est aussi juste un moment de plaisir: Jessie Burton réussit avec les mots à nous donner l'impression de voir les tableaux de nos propres yeux, et elle nous emporte dans ces deux histoires qui se mêlent pour se fondre en une seule pour notre plus grand plaisir.
Une très belle lecture, que je recommande sans hésiter!

vendredi 24 juin 2016

Lecture: Miniaturiste


C'est Titine qui m'a donné envie de lire ce livre, chroniqué dans le cadre du challenge "A year in England".

Résumé: Nella Oortman n’a que dix-huit ans ce jour d’automne 1686 où elle quitte son petit village pour rejoindre à Amsterdam son mari, Johannes Brandt. Homme d’âge mûr, il est l’un des marchands les plus en vue de la ville. Il vit dans une opulente demeure au bord du canal, entouré de ses serviteurs et de sa sœur, Marin, une femme restée célibataire qui accueille Nella avec une extrême froideur. En guise de cadeau de mariage, Johannes offre à son épouse une maison de poupée, représentant leur propre intérieur, que la jeune fille entreprend d’animer grâce aux talents d’un miniaturiste. Les fascinantes créations de l’artisan permettent à Nella de lever peu à peu le voile sur les mystères de la maison des Brandt, faisant tomber les masques de ceux qui l’habitent et mettant au jour de dangereux secrets. 

Ce roman m'a littéralement captivée, gardée prisonnière de ses pages jusqu'à la fin, avide de comprendre ce qui se passe dans la si étrange maison des Brandt, et avec le miniaturiste qui décrit si précisément ce qui va se produire. Comme Titine, j'ai été déçue justement par les révélations sur le miniaturiste, qui finalement n'en sont pas et n'éclairent pas la relation de ce personnage avec les habitants d'Amsterdam, et en particulier avec Nella. Comme c'est le titre du roman, je m'attendais à plus, mais au final, malgré cette petite déception, j'ai énormément aimé ce livre.

Jessie Burton nous transporte parfaitement dans l'univers de Nella. Le début du livre m'a un peu fait penser à "La passion selon Juette", avec une jeune fille qui débarque dans la maison inconnue de son nouvel époux qu'elle ne connaît pas (ou peu). Et dans ce cas, on est immédiatement plongés dans l'ambiance sombre de la maison des Brandt, avec Marin qui dirige la maisonnée avec des principes très rigoristes, Cornelia la servante qui semble espionner, Otto qui détonne dans cette Amsterdam guindée, et Johannes, absent pour l'arrivée de sa femme. Et au fil des pages, le mystère s'étoffe (renforcé par l'apparition des miniatures qui nous font nous interroger comme Nella sur leur sens)  avant de basculer dans le "drame".

Ce roman, c'est l'apprentissage de Nella, qui de jeune fille de province innocente va devenir une femme qui prend en charge son destin et son entourage, qui d'observatrice devient actrice pour tenter de faire bouger les choses.
C'est aussi un roman sur la dualité de l'être et du paraître, dont Marin est l'exemple parfait: prônant la rigueur, le refus des bonnes choses sous prétexte de religion et de respect de Dieu, elle cache sous ses habits austères de la fourrure et dévore dans sa chambre les mets qu'elle rejette en public. Tous les personnages ont leur part d'ombre, leurs secrets, et Jessie Burton nous livre jusqu'à la fin les clés de cette histoire, nous tenant en haleine jusqu'au bout.

Cette lecture est une très belle découverte, malgré la petite déception sur la partie "mystérieuse" du roman.

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Nouvelle participation au mois anglais!