jeudi 26 novembre 2015

Lecture: Crème anglaise


Trouvé au hasard des rayons dans la bibliothèque, ce roman m'a paru parfait pour une nouvelle participation à l'année anglaise de Titine.

Résumé:"Géant de la littérature recherche jeune homme pour pousser sa chaise à roues. Logé, nourri, chambre individuelle à Hampstead, environnement culturel passionnant. Salaire modeste. Idéal année sabbatique." Du fin fond de son Écosse natale, le jeune et naïf Struan est tenté, ébloui, effrayé. Mais il se lance. Et va tomber dans une véritable maison de fous. Suite à une attaque, Philip Prys, l'autoproclamé "géant de la littérature" enrage à l'intérieur de son propre corps, coincé, prisonnier, il fait les cent pas dans son cerveau, les seuls moments désormais où il trouvera un peu de paix seront les baignades que Struan lui offrira. Rien à attendre ni de ses enfants, ni de son ex-femme, ni même de sa jeune épouse. Les premiers vivent leurs vies superficielles et tourmentées d'adolescents délaissés par leurs parents, la deuxième n'attend qu'une chose, qu'il meure, pour qu'elle hérite, quant à la troisième, à sa manière gracieuse et tranquille, elle goûte une certaine revanche, celle de la femme trophée libérée de ses obligations par un heureux hasard. Au service du roi des misanthropes, en plein été 1989, Struan découvre Londres, la ville, le bouillonnement culturel dont il rêvait et ce milieu, qu'il n'imaginait pas ainsi. Tandis que le monde change d'ère, Struan lui perd son innocence et apprend: le règne des faux-semblants et de l'hypocrisie, les familles délitées, les limites de la gentillesse et celles du talent

Sur le papier, il avait l'air tentant ce roman, mais j'ai été très déçue. Pourtant, Struan avait tout pour faire un bon héros, jeune homme brillant, dévoué, prêt à aider un homme à la fois pour sa vie quotidienne, mais aussi pour retrouver sa famille, mais au final la mayonnaise (ou la crème anglaise!!!) ne prend pas. Je n'ai pas trouvé de cohérence au roman, on a une accumulation de personnages trop caricaturaux, entre l'auteur égoïste qui se retrouve coincé dans son corps à la merci des autres, l'ex-femme intéressée qui ne cherche qu'à récupérer la maison et l'argent, les enfants qui partent en vrille..., qui semblent mis côte à côte sans véritable construction, sans véritable raison, ce qui m'a laissée perplexe sur la finalité du roman, sur ce que l'auteur cherchait à nous dire: on aurait pu être dans de la chick-litt (ce qui m'aurait bien convenu en cette période où j'ai plutôt besoin de lecture facile), mais ce n'est pas le cas, mais il n'y a pas non plus vraiment de "morale" qui permettrait d'y voir plutôt un roman qui fait réfléchir.

Au final, une lecture décevante, ce qui correspond à l'avis de Malice pour le mois anglais (que je n'avais pas lu, mais que j'ai trouvé après coup...dommage)!

**********************************

 Nouvelle participation à A year in England!




mercredi 25 novembre 2015

Lecture: Retour à Little Wing


Ce roman, je l'ai offert à ma mère pour son anniversaire, parce que je l'avais trouvé dans les non-pépites de 2014-2015 de Galéa, et qu'il était recommandé par la librairie où je cherchais mon bonheur (enfin surtout à ne pas acheter tous les rayons, puisque Mr Souris ne veut pas que j'achète de livres...)
Et comme d'habitude, j'ai profité de ce cadeau pour découvrir un nouveau roman, puisque j'ai pu l'emprunter derrière (bien plus vite qu'à la bibliothèque!). Dans ce cas, je vais même pouvoir le garder, mon père ayant décidé de faire le tri par le vide dans les bibliothèques de ma mère, et que j'ai sauvé de la poubelle 2 énormes sacs de livres, dont certains seront donnés à des associations, et d'autres resteront pour mon plus grand plaisir dans mes étagères ;-)

Résumé: « Ces hommes qui sont tous nés dans le même hôpital, qui ont grandi ensemble, fréquenté les mêmes filles, respiré le même air. Ils ont développé une langue à eux, comme des bêtes sauvages. » Ils étaient quatre. Inséparables, du moins le pensaient-ils. Arrivés à l’âge adulte, ils ont pris des chemins différents. Certains sont partis loin, d’autres sont restés. Ils sont devenus fermier, rock star, courtier et champion de rodéo. Une chose les unit encore : l’attachement indéfectible à leur ville natale, Little Wing, et à sa communauté. Aujourd’hui, l’heure des retrouvailles a sonné. Pour ces jeunes trentenaires, c’est aussi celle des bilans, de la nostalgie, du doute…



Sur la forme d'abord, j'ai beaucoup aimé l'alternance des narrateurs, permettant l'alternance des points de vue sur une histoire commune, en fonction des histoires personnelles, des sensibilités des personnages. Cette histoire à plusieurs voix parfois accordées, et parfois dissonantes, renforce l'impact de l'histoire en elle-même en lui donnant corps.

Sur le fond, ce roman parle d'amitié, et de l'attachement de ces hommes et ces femmes à leur terre natale, attachement viscéral qui les ramène tous vers cette ville où ils ont grandi.
L'amitié, c'est un sujet qui me touche, peut-être parce que j'ai un rapport compliqué avec ça: je n'ai pas d'amis d'enfance, je n'en ai gardé aucun, il me reste une amie de la période collège/lycée, que je vois de temps en temps, et des années prépas et école, des groupes d'amis souvent loin avec qui je communique par mail, par téléphone de temps en temps, et que je suis contente de retrouver malgré nos chemins qui s'écartent avec le temps. J'ai aussi des amis au boulot, ou que je me suis fait dans le quartier avec les enfants, mais ce n'est pas la même chose, c'est une amitié plus superficielle, une amitié de circonstance, de celles qui ne dureront pas toute une vie. Et puis enfin il y a mes amies bloggueuses, celles que je ne connais pas, mais qui me connaissent peut-être mieux que ceux qui m'entourent, celles que j'espère un jour croiser, tout en appréhendant que la rencontre ne soit pas à la hauteur de ce qu'on en attendait...
Vous comprendrez que pour quelqu'un comme moi, qui vit ses amitiés par mail interposé, une histoire d'amitié véritable, forte, de celles qui dépassent les trahisons et les aléas du destin, ça ne pouvait que me plaire. D'autant que cette amitié n'est pas sans faille: au fur et à mesure du récit, on découvre les tensions, les jalousies, les trahisons. Cette amitié se fissure, les liens se distendent presque à se rompre, mais au final, elle tient. Et j'ai aimé justement que les personnages s'en veuillent pour des faits vieux de 10 ans, qu'ils se fâchent pour des non-dits, et se réconcilient dans les galères, parce qu'on ne reste pas dans le monde des bisounours (même si ça finit bien), mais dans une amitié vraie, une qui n'est pas exempte d'obstacles, mais qui les surmonte.

A la base de ce roman, il y a les quatre amis d'enfance, Hank, Lee, Kip et Ronny, et Beth, la fille du groupe, qui a épousé Hank, mais qui dans sa jeunesse avait craqué sur Lee. Et je dois avouer que ça m'a un peu fait penser à mon groupe de copains d'école d'ingé: beaucoup de garçons à la base, peu de filles, toutes des "pièces rapportées", d'abord de l'école (comme Beth est du coin), puis celles qui sont arrivées au fur et à mesure, d'horizons différents, et qui ont dû toutes, chacune à leur tour, faire face au groupe, à sa cohésion et à son "jugement". Un peu comme Félicia,, la femme de Kip, celle qui vient de la ville, l'étrangère, mais qui va finalement trouver une véritable place dans le groupe, en devenant une véritable amie pour Beth.
Ce roman fait donc un peu écho à ce que j'ai vécu, ça me le rend peut-être plus réel.

Mais le roman ne parle pas que de l'amitié, il nous parle aussi de l'attachement à sa terre natale: Little Wing, c'est l'Amérique profonde, celle des grands espaces, des petites villes, celle où la terre est la base de tout, et à travers son roman, Butler m'a donné envie de la découvrir. Et cette terre exerce un pouvoir sur ceux qui en viennent, comme l'illustrent Lee et Kip, partis pour faire carrière, mais qui reviennent vivre là d'où ils viennent, avec même pour Kip l'ambition de lui redonner de la vie, en y créant de l'activité.

Ce roman, en le lisant, m'a vraiment fait penser à un film. Nickolas Butler m'a transporté dans cette Amérique profonde, loin de l'agitation et de la modernité des villes. Les lieux, l'ambiance, les personnages, pour moi tout était aussi clair qu'une image sur grand écran (et je suis sure qu'il y a moyen de faire une superbe adaptation).

Au final, une jolie lecture simple et optimiste, une lecture qui fait du bien!

mardi 24 novembre 2015

Lecture: Amours

Nota: cet article avait été commencé juste avant les attentats du 13 novembre, et mis en stand-by parce que je n'avais pas le coeur à reprendre l'écriture. Du coup il sera certainement un peu décousu, je m'en excuse, mais c'est important pour moi d'aller au bout, parce que la vie ne doit pas s'arrêter à cause de ceux qui veulent nous priver de nos libertés.


On dit toujours jamais 2 sans 3, et je n'ai pas voulu faire mentir ce dicton pour la découverte des romans de Leonor de Récondo.
J'avais beaucoup aimé "Rêves Oubliés", un peu moins "Pietra Viva", je ne savais donc pas à quoi m'attendre avec ce roman.

Résumé: "L'amour est là où il ne devrait pas être, au deuxième étage de cette maison cossue, protégé par la pierre de tuffeau et ses ardoises trop bien alignées, protégé par cette pensée bourgeoise qui jusque-là les contraignaient et qui, maintenant, leur offre un écrin." Nous sommes en 1908. Léonor de Récondo choisit le huis clos d'une maison pour écrire un éblouissant roman sur l'épanouissement du sentiment amoureux le plus pur - et le plus inattendu. Victoire est mariée depuis cinq ans avec Anselme de Boisvaillant. Rien ne destinait cette jeune fille de son temps, précipitée dans un mariage arrangé avec un riche notaire et que les choses du sexe plongent dans l'effarement, à prendre en mains sa destinée. Surtout pas son trouble face à l'inévitable question de l'enfant qui ne vient pas. Sa détermination se montre pourtant sans faille lorsque la petite bonne de dix-sept ans, Céleste, tombe enceinte : cet enfant sera celui du couple, l'héritier Boisvaillant tant attendu. Comme elle l'a déjà fait dans le passé, la maison aux murs épais s'apprête à enfouir le secret de famille. Mais Victoire ne sait comment s'y prendre avec le nourrisson. Personne n'a le droit d'y toucher et Anselme est prié de s'installer sur un lit de camp dans son étude. Le petit Adrien dépérit dans le couffin glissé sous le piano dont sa mère, qui a bien du mal à s'inventer dans ce rôle, martèle inlassablement les touches. Céleste comprend ce qui se joue là, et décide de porter secours à l'enfant à qui elle a donné le jour. Quand une nuit Victoire s'éveille seule, ses pas la conduisent vers la chambre du deuxième étage... 

Il y a beaucoup de sujets dans ce roman: le couple, la maternité, l'amour, le tout sur fond de conventions sociales. Victoire est une jeune femme mariée sans amour, dans le cadre d'un mariage arrangé (basé sur une petite annonce...), comme beaucoup à cette époque. Elle ne sait rien des choses du sexe, là encore, comme beaucoup de jeunes femmes de son milieu au début du XXème siècle, et vit très mal les assauts de son mari. Le terme "devoir conjugal" prend ici tout son sens, ce qui va précipiter son mari dans le lit de la bonne, quand sa femme ne lui ouvre pas son lit.
Et bien sûr, le hasard faisant mal les choses, l'enfant attendu par la famille n'arrive pas chez l'épouse légitime mais chez la bonne!

Et c'est là que le roman bascule, comme la vie de Victoire: cette jeune femme effacée va prendre son destin en main, profiter de la situation pour obtenir ce que la vie lui refuse, et gagner même plus que ce qu'elle espérait.
A travers cette maternité par procuration, Léonor de Récondo nous parle de la maternité et du rapport à l'enfant. Céleste est la mère biologique d'Adrien, mais dès le départ elle sait qu'elle ne peut pas le garder, qu'elle ne peut pas l'aimer. Elle ne s'autorise pas à accepter sa grossesse, jusqu'à ce que le marché soit conclu avec Victoire et Anselme. Marché qui n'est d'ailleurs conclu que par la force du destin, car il est trop tard pour interrompre la grossesse, solution initialement envisagée, et dont on découvre d'ailleurs qu'elle est monnaie courante chez les domestiques de la famille. L'enfant lui est enlevé dès la naissance, mais son instinct maternel se réveille quand elle constate que son bébé se laisse mourir, qu'il a besoin d'elle, de son amour. Cette notion d'instinct maternel, ça m'a longtemps perturbée, parce que je pensais que c'était justement instinctif, et que ça déboulait à la naissance des enfants, et que pour moi, ça ne s'est pas passé comme ça. Peut-être parce qu'avec la césarienne, je n'ai pas senti le passage des enfants de moi vers le monde extérieur, me faisant presque douter que ce soient les miens, peut-être parce que j'étais épuisée, perdue, déboussolée par les hormones, la fatigue, les doutes....Du coup, je n'ai pas vraiment ressenti au départ cet instinct maternel, cet amour incommensurable pour eux (et pourtant, de l'amour, j'en ai ressenti). Et puis il y a eu la première maladie de mon fils, à 3 semaines, et ce choc, cette douleur, celle de ne pas pouvoir le protéger alors que je donnerai tout pour leur éviter le  moindre problème, cet instinct de louve qui s'éveille dès qu'on touche à mes enfants, cette peur de les voir souffrir, cette souffrance de ne pouvoir les protéger de tout... C'est un peu ça que j'ai retrouvé avec Céleste, qui se découvre mère devant la souffrance de son enfant.
En parallèle, on a Victoire, qui retourne la situation à son avantage, mais qui finalement n'y était pas prête: elle ne peut avoir d'enfants, son mari en a fait à la bonne, autant en profiter pour satisfaire les conventions sociales, mais elle ne sait pas comment aimer cet enfant que le hasard lui apporte. Elle est perdue, se réfugie dans la musique, pensant offrir à son fils ce dont il a besoin, mais ne lui offrant pas l'amour qui lui permet de vivre. Et cet amour, elle va apprendre à le donner quand elle va être aimée, car finalement comment donner ce qu'on ne connaît pas?

L'amour, c'est Céleste qui l'apporte dans cette histoire: amour maternel, amour charnel, mais aussi amour absolu. Céleste va offrir l'amour à Victoire, ouvrir les portes de son coeur pour accueillir son fils, et par amour elle fera le plus grand sacrifice, pour laisser un avenir à son fils, mais aussi à Victoire.
Je l'ai trouvé émouvante cette jeune fille qui ne connaît rien à la vie, mais qui a l'intelligence du coeur.

Enfin, on a le poids de la société, les conventions sociales, celles qui pèsent sur la vie quotidienne, briment les élans du coeur, et génèrent des secrets de famille qui pèsent de génération en génération, laissant les gens enfermés dans des histoires sans joie et sans amour, "parce que ça se fait".

Si je n'ai pas autant aimé ce roman que "Rêves oubliés", il m'a plus parlé que "Pietra Viva", car il a fait vibrer des cordes sensibles chez moi, et qu'encore une fois la belle écriture de Leonor de Recondo sert admirablement son récit tout en finesse.

mercredi 4 novembre 2015

Lecture: Le liseur du 6h27


Il est des livres qui vous attirent et vous retiennent, des livres qu'on découvre au hasard des bibliothèques et qui vous emportent. Ce roman de Jean-Paul Didierlaurent en fait partie, petit instant de bonheur distillé par ces pages qui se dévorent à toute vitesse.

Résumé: Employé discret, Guylain Vignolles travaille au pilon, au service d'une redoutable broyeuse de livres invendus, la Zerstor 500. Il mène une existence maussade mais chaque matin en allant travailler, il lit aux passagers du RER de 6 h 27 les feuillets sauvés la veille des dents de fer de la machine. Dans des décors familiers transformés par la magie de personnages hauts en couleurs, voici un magnifique conte moderne, drôle, poétique et généreux : un de ces livres qu'on rencontre rarement.

Le héros de ce roman, c'est un homme, obligé pour vivre de détruire des livres, et qui tente jour après jour de sauver ce qui peut l'être du ventre du monstre qu'il nourrit chaque jour. Et ce qu'il sauve, il le lit dans le RER, tous les matins, pages sans suite et sans cohérences, mais instants volés qu'on aimerait vivre dans nos trajets quotidiens, petites bribes d'évasion distillées au hasard de sa pêche.

Autour de cet homme, il y a l'ancien collègue, qui collectionne les livres pour retrouver ses jambes, il y a les mamies qui lui demandent de venir leur faire la lecture, il y a le gardien de l'usine, qui déclame des alexandrins et vit dans les tragédies. La lecture, les livres, fils conducteurs dans la vie de Guylain Vignolles, qui lui permettent de tisser des liens avec ceux qu'il croise. Et j'ai beaucoup aimé ces rencontres au fil des pages, ce que Guylain offre aux inconnus qui voyagent avec lui, et l'idée que la lecture permet de nouer ces liens et de redonner sens à des vies.

Et puis il y a Julie, l'inconnue du RER, celle qui a perdu la clé USB qui contient ses pensées, que Guylain va découvrir et faire découvrir au lieu des pages sauvées. Et c'est une belle leçon de vie qu'on reçoit avec ses écrits: Julie est dame pipi, réduite par les stéréotypes à lire la presse people et à faire des mots croisés, alors qu'elle nous livre au travers de ses récits des anecdotes truculentes sur sa vie de tous les jours, sur les comportements pas toujours corrects qu'elle doit subir, sur la philosophie inspirée de sa tante, mais aussi sur sa condition de jeune femme célibataire. Je dois avouer que le récit du speed-dating m'a bien fait rire, je pense que malheureusement les situations décrites doivent arriver bien souvent!

Je suis sortie de la lecture de ce roman de bonne humeur, il m'a un peu fait penser à "Ensemble, c'est tout", d'Anna Gavalda: les personnages sont des gens ordinaires, mais qui par leurs actes finissent par embellir le quotidien, à donner de l'espoir. Et il faut avouer que parfois ça fait du bien d'avoir dans une lecture le bon côté de l'être humain, de fermer le livre en ayant un sourire dans la tête, alors en cette période où le temps et l'actualité sont bien gris, n'hésitez pas à plonger dans cette jolie histoire qui fait du bien!

mardi 3 novembre 2015

Lecture: Le manoir de Tyneford


Encore un très bon conseil de Galéa, reçus à la bibliothèque en même temps que les aventures de Maisie Dobbs.

Résumé: Au printemps 1938, l'Autriche n'est plus un havre de paix pour les juifs. Elise Landau, jeune fille de la bourgeoisie viennoise, est contrainte à l'exil. Elle ne sait rien de l'Angleterre, si ce n'est qu'elle ne s'y plaira pas. Tandis que sa famille attend un improbable visa pour l'Amérique, elle devient domestique dans une grande propriété du Dorset, c'est elle désormais qui polit l'argenterie et sert à table. Au début, tout lui paraît étranger. Elle se fait discrète, dissimule les perles de sa mère sous son uniforme, tait l'humiliation du racisme, du déclassement, l'inquiétude pour les siens et ne parle pas du manuscrit que son père, écrivain de renom, a caché dans son alto. Mais la guerre gronde, le monde change et Elise l'insouciante est forcée de changer à son tour. Elle s'attache aux lieux, s'ouvre aux autres, se fait aimer et provoque même un scandale en dansant avec le fils du maître des lieux lors d'une soirée inoubliable au manoir. Il y a quelque chose d'enchanteur à Tyneford. Elise y apprendra qu'on peut vivre plus d'une vie et que l'on peut aimer plus d'une fois.

En tant que grande fan de Downton Abbey, je ne pouvais que me plaire à Tyneford: le majordome, l'étiquette, les femmes de chambres qui s'agitent dès l'aube, et ne doivent pas sortir de leur rang, l'ambiance de ces vieilles demeures anglaises à l'aube d'un monde qui va disparaître. Parce que comme dans DA, Tyneford voit avec la guerre son destin basculer. Les mentalités changent, les vieilles traditions s'effacent, pour laisser place à d'autres façons de vivre.

Mais la guerre n'a pas bouleversé que le destin de ces vieilles familles anglaises: au travers d'Elise, c'est le destin des juifs en Autriche et en Europe qui est évoqué: la vente des biens familiaux, l'interdiction d'exercer, la nécessité de fuir, quitte à devoir, comme Elise, se mettre à travailler, apprendre à servir comme elle a été servie. Familles dispersées, espoir de revoir un jour les siens, attente insupportable de nouvelles, sans savoir si un jour la vie permettra de retrouver ceux qu'ils ont perdus, Elise vit ce que tant de personnes ont vécu.

Elise n'est pas qu'une jeune juive exilée en Angleterre. C'est aussi la grosse de la famille, celle qui ne réussit pas en musique, celle qui n'a pas de dons artistiques, celle qui va ensuite se retrouver domestique malgré son éducation et son milieu, et qui aura du mal à trouver sa place, amoureuse du fils de la maison auquel son origine pourrait lui prétendre de rêver, mais qui n'est plus à son niveau en Angleterre. Elle va devoir subir le mépris des relations des Rivers, s'accrocher à ses rêves, les voir s'effondrer avant de pouvoir rebâtir. Peut-être que le fait d'être le vilain petit canard de ma famille, la moins douée au piano, la moins brillante dans les études, la seule à galérer à avoir des enfants m'a permis de me mettre à la place de cette jeune femme qui va apprendre à construire sa vie et à croire en elle.

Encore une vraie belle lecture, que je recommande sans hésiter!

************************
Nouvelle participation à "A year in England"

lundi 2 novembre 2015

Lecture: L'île des oubliés

 

Conseil d'une collègue et amie, j'ai emprunté lors de mon dernier passage à la bibliothèque le premier roman de Victoria Hislop, dont j'ai découvert qu'elle était anglaise, ce qui me permet du même coup une nouvelle participation à "A year in England".

Résumé: L’été s’achève à Plaka, un village sur la côte nord de la Crète. Alexis, une jeune Anglaise diplômée d’archéologie, a choisi de s’y rendre parce que c’est là que sa mère est née et a vécu jusqu’à ses dix-huit ans. Une terrible découverte attend Alexis qui ignore tout de l’histoire de sa famille : de 1903 à 1957, Spinalonga, l’île qui fait face à Plaka et ressemble tant à un animal alangui allongé sur le dos, était une colonie de lépreux... et son arrière-grand-mère y aurait péri. Quels mystères effrayants recèle cette île que surplombent les ruines d’une forteresse vénitienne ? Pourquoi, Sophia, la mère d'Alexis, a-t-elle si violemment rompu avec son passé ? La jeune femme est bien décidée à lever le voile sur la déchirante destinée de ses aïeules et sur leurs sombres secrets...

 J'ai beaucoup aimé ce livre, dévoré en un aller-retour Paris/Marseille en avion (il faut bien que les déplacements professionnels aient leurs points positifs!).

 Ce roman, c'est d'abord l'histoire d'une famille, celle d'Alexis, qu'elle découvre adulte, pendant ses vacances dans le pays qui a vu naître sa mère. Sophia n'a jamais parlé à sa fille de sa famille, seule une photo sur sa table de chevet témoigne de son passé, et Alexis n'a jamais osé questionner sa mère. Et c'est au travers du récit de Fotini, une amie de la famille, que le voile est levé sur les origines de Sophia, et  donc celles d'Alexis.

Mais au-delà de la saga familiale, c'est aussi l'histoire des lépreux de Spinalonga, ces femmes et ces hommes contraints à l'isolement, rejetés par l'ignorance de leurs concitoyens, et qui, loin de ce qu'on pourrait imaginer, se reconstruisent une vie afin de vivre malgré la maladie: pour que la maladie ne conduise pas à une vie dans la déchéance, l'isolement et le malheur, de femmes et des hommes décident de tout faire pour que Spinalonga soit une ville "comme les autres", où les malades peuvent finir leur vie dans la dignité, d'autant que contrairement aux idées reçues, certains d'entre eux survivent à cette maladie, atteints par des formes moins virulentes de la lèpre. Et ils vont tenir jusqu'à ce qu'on trouve un vaccin, qui permettra à ceux qui restent de retrouver une vie "normale" sur le continent.

Au cœur de ce roman, Anna et Maria, les deux soeurs qui sont privées de leur mère à cause de la lèpre, et qui à partir de cet évènement vont avoir deux destins totalement différents: Anna, qui veut absolument sortir de sa condition, et qui fait passer son plaisir avant tout, au point de laisser derrière elle sa famille, quels que soient les malheurs qui s'abattent sur elle; et Maria, celle qui sacrifie tout pour sa famille, mais qui va subir elle aussi les revers du destin.
A travers ces deux femmes, et tout leur entourage, c'est la réaction des hommes face aux malheurs et aux épreuves de la vie qui est évoquée, avec ceux qui fuient, et ceux qui affrontent.

Au final, une très belle lecture, que je vous recommande!

************************************

Même si c'est une lecture d'octobre, ce roman est ma première participation de novembre pour "A year in England"