dimanche 22 mars 2015

Lecture: Les Falsificateurs


Ce livre, comme bien d'autres ces derniers mois, est un conseil de bloggueuses. C'est pour moi l'énorme  point positif de la blogosphère: j'ai rencontré sur la toile des filles formidables, qui en connaissent parfois plus sur ma vie actuelle que mes copines IRL qui habitent aux 4 coins de la France, et surtout, qui partagent ma passion pour la lecture. Je me sens même à la traîne, moi qui jusque là était la seule qui lisait beaucoup. Et grâce à elles, j'élargis mon horizon littéraire, je découvre des auteurs que je n'aurais jamais sortis des rayons de la bibliothèque. Bien sûr nous ne sommes pas toujours d'accord sur les lectures, on a le droit d'aimer ou de ne pas aimer un roman, bien sûr, ça ne m'empêche pas de continuer à apprécier la "chick litt", Marc Lévy ou Guillaume Musso, Mary Higgins Clark et Harlan Coben, mais leurs conseils et leurs recommandations me permettent de lire différemment.
Et c'est aussi leur exemple qui me pousse à essayer d'analyser plus en profondeur ce qui me plaît ou me déplaît dans mes lectures. Je ne serai jamais une bonne critique littéraire, je ne sais pas décrire un style, si il est bon ou mauvais, je ne sais pas trouver les messages cachés par l'auteur, mais j'essaye de dépasser le "ça m'a plu" pour peut-être donner envie à d'autres de découvrir ces romans (même si je ne me fais pas d'illusion sur mon influence, mes statistiques de visites ne risquent pas de concurrencer les "vrais" blogs littéraires, je me dis que peut-être moi aussi je pourrais servir de conseil, même à 1 autre personne, ce serait déjà bien).

Fin de la parenthèse, revenons à nos moutons, et au roman cité en objet! Pour les critiques détaillées et argumentées, je vous conseille d'aller chez Galéa et  Miss Léo, qui ont en plus chroniqué le 2ème volet de la trilogie qu'elles ont lu.

Résumé: C'est l'histoire d'une organisation secrète internationale, le CFR (Consortium de Falsification du réel) qui falsifie la réalité mais dont personne ne connaît les motivations. C'est l'histoire de quelques une des plus grandes supercheries de notre époque : de Laïka, la première chienne dans l'espace, qui n'a jamais existé, de Christophe Colomb qui n'a pas découvert l'Amérique, des fausses archives de la Stasi. C'est l'histoire d'un jeune homme, embauché par le CFR, qui veut comprendre pourquoi et pour qui il travaille. C'est l'histoire d'une bande d'amis qui veulent réussir leur vie, sans trop savoir ce que cela veut dire. C'est, d'une certaine façon, l'histoire de notre siècle.

Ce roman m'a énormément plu, comme me l'avait dit Miss Léo, une fois qu'on est dedans, on ne le lâche plus! J'aurais pu le mettre en coup de coeur, mais c'est le premier volet d'une trilogie, qui se termine par "à suivre", je peux donc dire qu'il m'a clairement mis en appétit, que j'attends avec impatience de voir si les volets suivants tiendront la promesse de ce premier tome, le coup de coeur sera "attribué" à l'ensemble de la trilogie (ou pas d'ailleurs ;-))

C'est un roman intense, et pourtant très difficile à décrire sans le dévoiler totalement. Sans rentrer dans l'histoire proprement dite, voilà les points qui m'ont le plus plu dans le roman:
Les personnages d'abord, et en particulier Sliv, le héros. C'est le narrateur, on n'a donc de lui que ce qu'il veut bien nous dire, mais j'ai aimé son évolution au cours du roman. Il s'est engagé par jeu au CFR, parce qu'il ne savait pas très bien quoi faire de sa vie, et que la proposition d'embauche lui a paru plus proche d'un jeu que d'un emploi, et au fil de ses expériences on le voir mûrir, changer de vision à la fois sur la société qui l'emploie, mais aussi sur lui même. Il réfléchit à ce qu'il souhaite, et porte un regard plus réaliste et méfiant sur le monde, mais même dans les moments les plus durs, il reconnaît que ce que lui offre le CFR est plus que la vie étriquée qu'il pourrait mener avec un emploi "normal", une famille "normale".... Il en vient donc à accepter des règles du jeu qu'il ne maîtrise pas, en espérant faire un jour partie de ceux qui les comprennent.
Mais Sliv n'est pas seul, il est entouré de collègues, et d'amis qu'il rencontre au fil de ses expériences professionnelles, et ces personnages qui gravitent autour de lui contribuent eux aussi à la réussite de l'intrigue: on y retrouve la jeune femme carriériste prête à tout pour réussir, la fille que tout le monde jalouse parce qu'elle est belle et brillante, mais que tout le monde déteste; l'ami idéaliste, celui qui est prêt à tout plaquer si il pense que ce qu'on lui demande de faire est contraire à ses principes; ceux qui l'aident à mûrir, à prendre conscience de la portée de ses actes, ceux qu'il a peur de décevoir, et dont il craint le jugement....

La deuxième chose qui m'a plu dans ce roman, c'est son ancrage dans l'Histoire, ce qui le rend fondamentalement crédible: qu'est-ce qui empêcherait qu'il existe effectivement une organisation qui manipule les faits historiques pour orienter l'évolution du monde? Il existe tellement de théories du complot, que ce soit à propos des premiers pas de l'homme sur la Lune, qui auraient été tournés en studio, à l'assassinat de Kennedy, d'histoires telles que Roswell et les extraterrestres, qu'après tout, il pourrait tout à fait être envisageable que ce à quoi l'on croit ne soit que des histoires.
Je dois dire que ce roman fait même réfléchir, la documentation fournie pour chaque dossier pour modifier les sources, afin de rendre totalement crédible les histoires, la manipulation des archives, la création de données falsifiées pourrait tout à fait être réelle. Pour cela, on se dit qu'on lit un roman, mais qu'on n'est finalement pas si loin de ce qui pourrait exister!

Et puis il y a l'intrigue en elle-même: ce n'est pas un roman haletant, mais l'intrigue est menée de main de maître, on alterne les périodes de calme et d'introspection du personnage principal avec des récits de dossiers qui nous plongent dans l'histoire du monde, et des rebondissements judicieusement placés permettent qu'on ne s'ennuie pas dans le récit. On n'est pas dans un récit manichéen, tout n'est pas blanc ou noir, et l'écriture accompagne l'évolution de Sliv vers le "gris" du compromis.

Au final, un roman qu'on a envie de terminer, et qu'on lâche avec le regret de ne pas avoir la suite sous la main. Bien sûr, comme le héros et ses amis, on voudrait savoir qu'est-ce qu'est exactement le CFR, qui sont ses dirigeants, et quels sont les buts qu'ils dirigent, et j'espère que la suite de la trilogie me permettra d'assouvir ma soif de savoir!

dimanche 15 mars 2015

Coup de coeur: Confiteor




Ce livre, c'est Galéa qui m'a donné envie de le lire, dans une chronique que je vous recommande d'aller découvrir, parce que j'adhère avec les 5 raisons qu'elle donne pour avoir aimé le livre, et qu'elle détaille bien mieux que je ne pourrais le faire.

Du coup, quand à la bibliothèque la semaine dernière j'ai eu la chance de le trouver en rayon, je me suis précipitée!

Résumé:
Barcelone années cinquante, le jeune Adrià grandit dans un vaste appartement ombreux, entre un père qui veut faire de lui un humaniste polyglotte et une mère qui le destine à une carrière de violoniste virtuose. Brillant, solitaire et docile, le garçon essaie de satisfaire au mieux les ambitions démesurées dont il est dépositaire, jusqu’au jour où il entrevoit la provenance douteuse de la fortune familiale, issue d’un magasin d’antiquités extorquées sans vergogne. Un demi-siècle plus tard, juste avant que sa mémoire ne l’abandonne, Adrià tente de mettre en forme l’histoire familiale dont un violon d’exception, une médaille et un linge de table souillé constituent les tragiques emblèmes. De fait, la révélation progressive ressaisit la funeste histoire européenne et plonge ses racines aux sources du mal. De l’Inquisition à la dictature espagnole et à l’Allemagne nazie, d’Anvers à la Cité du Vatican, vies et destins se répondent pour converger vers Auschwitz-Birkenau, épicentre de l’abjection totale. Confiteor défie les lois de la narration pour ordonner un chaos magistral et emplir de musique une cathédrale profane. Sara, la femme tant aimée, est la destinataire de cet immense récit relayé par Bernat, l’ami envié et envieux dont la présence éclaire jusqu’à l’instant où s’anéantit toute conscience. Alors le lecteur peut embrasser l’itinéraire d’un enfant sans amour, puis l’affliction d’un adulte sans dieu, aux prises avec le Mal souverain qui, à travers les siècles, dépose en chacun la possibilité de l’inhumain – à quoi répond ici la soif de beauté, de connaissance et de pardon, seuls viatiques, peut-être, pour récuser si peu que ce soit l’enfer sur la terre.

Je dois avouer que j'avais un peu d'appréhension en entamant ce "pavé" de presque 800 pages: quand on attend beaucoup d'un livre, on a aussi le risque d'être déçu. Ca n'a pas été mon cas, même si il faut reconnaître qu'il n'est pas simple d'entrer dans ces pages: le narrateur passe de la première à la troisième personne au sein d'une phrase, mêle les différentes histoires qui composent ce magnifique récit sans transition, comme s'embrouillent les souvenirs dans l'esprit d'Adria. Pour moi qui ait la mauvaise habitude de sauter des mots, voire des lignes, il a fallu que j'adapte ma lecture pour pouvoir suivre le cheminement d'Adria, mais on est tellement emporté dans l'histoire que cela s'est fait sans difficulté.

Cette façon d'imbriquer les histoires, voire même les personnages parfois, met en lumière les destinées qui se croisent, et les similitudes de l'Histoire. Le Mal à travers les âges prend des formes différentes, mais finalement toutes sont basées sur la haine, la jalousie, l'intolérance, et les conséquences sont toutes les mêmes, la mort, la souffrance, la destruction.
Dans Confiteor, le Mal est personnifié, et Jaume Cabré va jusqu'au bout de la noirceur et de la bassesse de l'âme humaine: ses personnages sont prêts à tout pour obtenir ce qu'ils veulent, trahir, voler, tuer, mentir, on entre dans ce qu'il y a de pire chez l'homme. Et le mal n'est pas seulement les grands maux de l'Histoire, comme le nazisme ou l'Inquisition, c'est aussi les coups bas de la vie de tous les jours, les parents qui séparent les amoureux à coup de mensonges, c'est l'ami qui profite de la faiblesse de celui qui a toujours été là pour lui pour enfin trouver la gloire, c'est l'infirmière qui dérobe un bijou à un malade, un concurrent prêt à tout, les hommes qui abusent des femmes sans défense, les conduisant à une mort certaine....
Mais ce roman nous parle aussi de ce qui a de bon dans l'Homme, de la repentance, ces hommes qui porteront toute leur vie le poids du mal qu'ils ont fait, des hommes et des femmes prêts à se battre pour la liberté, pour la justice....

Mais ce roman parle aussi de l'amour, celui d'Adria et Sara, cet amour qui défie le temps et pousse à se dépasser, celui qu'on ne peut oublier, mais qui fait preuve d'exigence. J'ai aimé la description de cet amour, la tristesse d'Adria au départ de Sara, la recherche de celle qu'il a perdu, les retrouvailles en demi-teinte, les non-dits et les incompréhensions, et ces secrets qui le resteront jusqu'après la mort.
Il nous parle aussi de l'amitié indéfectible, celle qui dure toute une vie, celle qu'on aimerait tous connaître, celle qui ne souffre pas de mensonge, pas de faux-semblants. Un véritable ami, c'est celui qui dit la vérité, même si elle fait souffrir, parce que c'est le devoir d'un ami d'être honnête. Et même si au final, Bernat profite de son ami, il sera à ses côtés jusqu'au bout, tiraillé entre le remord et le désir de gloire, mais toujours là.

Ce roman est tellement riche qu'il est difficile d'en faire le tour en quelques mots, et je pense que chaque lecteur doit trouver sa façon d'y entrer, en fonction de ce qui entre en résonnance avec son propre vécu et son propre ressenti. Pour moi ça a été un vrai coup de coeur, de ceux qu'on ne lâche que quand on a atteint la dernière page, un grand merci encore à Galéa pour ce conseil, sans elle je n'aurais jamais découvert ce livre!