jeudi 2 août 2018

Une page se tourne

Presque 7 ans que j'ai commencé ce blog, où je vous partageais des petits bouts de la vie de la famille Souris, mes états d'âme parfois, et surtout ces derniers temps beaucoup de lecture.

J'ai donc décidé de fermer cette page pour en ouvrir une plus centrée sur la lecture, et une peu sur mes autres "loisirs", c'est à dire un peu de couture, et autres sujets en fonction de mes envies, mais en refermant la porte de la maison des Souris, pour laisser aux Souriceaux qui commencent à grandir leur intimité!

Un grand merci à vous tous qui me suivez, et si vous voulez m'accompagner dans mes nouvelles aventures, c'est ici:

https://felicielasouris.wordpress.com/


A très bientôt

Féli

jeudi 26 juillet 2018

Lecture: Mille petits riens

C'est grâce aux "paniers mystère" de ma bibliothèque que j'ai eu la chance de découvrir ce roman. Le concept: pendant les vacances d'été, nos bibliothécaires préparent de grands sacs fermés, avec juste le thème affiché, contenant des romans, bds... correspondant au thème. On emprunte "à l'aveugle". Et je dois avouer que si je n'accroche pas avec tous les romans proposés, je fais toujours de très belles découvertes, ce qui fût le cas avec "Mille petits riens".

Résumé: Ruth est sage-femme depuis plus de vingt ans. C'est une employée modèle. Une collègue appréciée et respectée de tous. La mère dévouée d'un adolescent qu'elle élève seule. En prenant sons service par une belle journée d'octobre 2015, Ruth est loin de se douter que sa vie est sur le point de basculer. Pour Turk et Brittany, un jeune couple de suprémacistes blancs, ce devrait être le plus beau moment de leur vie: celui de la venue au monde de leur premier enfant. Le petit garçon qui vient de naître se porte bien. Pourtant, dans quelques jours, ses parents repartiront de la maternité sans lui. 
Kennedy a renoncé à faire fortune pour défendre les plus démunis en devenant avocate de la défense publique. Le jour où elle rencontre une sage-femme noire accusée d'avoir tué le bébé d'un couple raciste, elle se dit qu'elle tient peut-être là sa première grande affaire. Mais la couleur de peur de sa cliente, une certaine Ruth Jefferson, ne la condamne-t'elle pas d’avance?

Ce livre est un pavé, mais je l'ai dévoré d'une traite! Décomposant ce roman en phase comme celles d'un accouchement, Jodi nous emmène au travers de l'histoire vers un final en apothéose, comme une sage-femme emmène ses patientes vers la délivrance.
Au travers des voix de trois des protagonistes, Ruth, la sage-femme, Turk, le père anéanti, et Kennedy, l'avocate de Ruth, on suit tout le déroulé, de la naissance du bébé à la fin du procès et à ses suites (fin dont je ne parlerai pas pour laisser un peu de suspense).

Au départ, une situation somme toute banale, une sage-femme qui doit s'occuper d'un nouveau-né. Mais un enchaînement de décisions et d'actions va conduire cette femme sans histoire sur le banc des accusés, à devoir répondre de la mort d'un bébé. Enchaînement déclenché par le fait que les parents ne veulent pas d'une sage-femme de couleur.
Se pose alors la question de la défense: faut-il utiliser l'argument du racisme, comme cela peut sembler naturel, et comme le pense Ruth? Ou ne travailler que sur la "non-responsabilité" de Ruth dans la mort du bébé, ne justifier que la "non-faute professionnelle", sans aborder le sujet de la discrimination, comme le recommande Kennedy? Et la raison invoquée par cette dernière, on n'aborde jamais la question raciale dans un tribunal, est-elle vraiment recevable?

A travers ce roman Jodi Picoult nous pousse à réfléchir au racisme, mais pas uniquement au racisme affiché, celui de Turk et Brittany, mais aussi au racisme ordinaire, celui qui pousse les vigiles à contrôler certains sacs plus que d'autres, et au racisme caché, à notre façon d'agir inconsciemment, révélant nos préjugés, nos a priori. Le simple fait d'agir pour ne pas être raciste revient à l'être. Nous ne devrions pas conditionner nos actes à la couleur de peau de nos interlocuteurs. Comme Kennedy, la parole de Ruth nous pousse à nous remettre en question.
Mais Ruth aussi remet en question ce qu'elle a ressenti pendant longtemps vis-à-vis des "Blancs" de son entourage: elle aussi a regardé le monde avec un oeil biaisé, considérant qu'elle n'était que tolérée, mais pas vraiment intégrée, pas vraiment "de la famille". Mais elle va devoir se confronter avec ses propres préjugés, qui l'ont conduit à mettre dans la tête des gens des pensées qu'ils n'avaient pas.
Enfin au travers de Turk et Brittany, c'est aussi l'origine du racisme dur qui est en question: qu'est-ce qui a vraiment poussé le père de Brittany et son mari vers cette voie d'intolérance? Turk trouve en réalité dans le mouvement un groupe, des repères, et on pourrait dire que finalement les convictions viennent après l'embrigadement, et leur fondement n'est pas si profond.

Ce livre est aussi un bel hommage au métier de sage-femme, à celles qui accompagnent les parents dans la beauté de la naissance mais parfois aussi dans la douleur de la perte, celles qui prennent soin de nos tout-petits à leur entrée dans le monde. Les anecdotes de Ruth sont émouvantes, et nous rappellent combien sont importantes ces femmes (et ces hommes).

Enfin, il y a dans ce roman une réflexion sur le rôle des parents, et le rôle de mère en particulier: relation entre Ruth et sa mère, entre Ruth et son fils, entre Kennedy et sa mère, et Kennedy et sa fille. On y voit l'importance du lien, de l'écoute, la volonté des parents de donner toutes les chances à leurs enfants, mais la difficulté parfois à leur faire comprendre, ou à les comprendre. J'ai souri aux passages avec Kennedy et sa fille, peut-être parce que n'ayant pas encore de (vrais) adolescents les problèmes rencontrés par Ruth me parlent moins, mais qui n'a pas vécu les crises d'habillage ou pour manger, et qui n'a pas cédé à la facilité d'un burger pour éviter une crise?

En résumé une très belle découverte, un roman qui se dévore mais nous fait réfléchir, je vous le recommande sans hésiter!

jeudi 14 juin 2018

Lecture: L'homme qui s'envola


Pas beaucoup de chroniques en ce moment, les préoccupations du quotidien ne me laissent pas beaucoup de temps pour le clavier, et j'accumule beaucoup de lectures "faciles", telles que les derniers Musso, Levi et Bussi, qui ont le mérite de m'offrir des coupures sans prise de tête.

Avant que tout s'accélère et que je n'aie plus de temps pour moi, j'avais trouvé à bibliothèque l'avant-dernier roman d'Antoine Bello,  et il était inimaginable pour moi de le rendre sans l'avoir lu, c'est chose faite maintenant!

Résumé: Walker a tout pour être heureux. Il dirige une florissante entreprise au Nouveau-Mexique et sa femme, la riche et belle Sarah, lui a donnée trois magnifiques enfants. Et pourtant, il ne supporte plus sa vie. Entre sa famille, son entreprise et les contraintes de toutes sorites, son temps lui échappe. Une seule solution: la fuite. Walker va mettre en scène sa mort de façon à ne pas peiner inutilement les siens. Malheureusement pour lui, Nck Sheperd, redoutable détective spécialisé dans les disparitions, s'empare de son affaire et se forge la conviction que Walker est encore vivant. S'engage entre les deux hommes une fascinante course-poursuite sur le territoire des Etats-Unis. EN heu: la liberté, une certaine conception de l'honneur, et l'amour de Sarah.


Dans les précédents romans que j'avais lus (Ada / Les falsificateurs / Les éclaireurs / Les producteurs), Antoine Bello nous projetait dans des histoires où la fiction pourrait un jour devenir notre réalité (ou bien l'est déjà, qui sait si nous ne sommes effectivement pas manipulés pour croire ce qu'on veut nous faire croire......).
Dans "L'homme qui s'envola", pas de projection dans le futur, pas de manipulation, rien que l'histoire d'un homme qui ne supporte plus sa vie. Walker a tout, l'argent, la réussite professionnelle, la réussite personnelle, familiale. Que demander de plus? Mais cette vie étouffe Walker, d'autant plus qu'il sait comment elle va se dérouler, et qu'il ne trouvera pas plus de temps dans le futur qu'à l'instant présent.

Peut-être que cette lecture tombait à pic dans ma vie surchargée, mais cette envie de se trouver du temps, de se dégager de ses obligations, de pouvoir vivre pour soi a résonné en moi. A mon échelle bien sûr, je n'ai pas les responsabilités de Walker (ni ses revenus, dommage...), mais c'est sur que parfois j'aimerais aussi pouvoir tout lâcher....
Cela dit, ce qui pourrait paraître simple ne l'est pas tant que ça, parce que Walker veut changer de vie, mais sans faire souffrir les siens: ce n'est pas qu'il ne les aime plus, c'est qu'il veut vivre libre. D'où l'idée de disparaître, pour qu'ils n'aient pas l'impression d'être rejetés.

Au travers des pages, on  le voit d'abord jouer avec l'idée, puis progressivement mettre en application ses idées, avant de franchir le pas le jour où l'opportunité se présente à lui.
Mais tout ne va pas se passer comme prévu, et l'irruption de Sheperd dans le jeu va perturber la belle organisation de Walker.
Début alors une chasse à l'homme qui ressemble à une partie d'échecs entre deux grands maîtres: chacun tente de pénétrer dans le cerveau de son adversaire, pour prendre l'avantage et gagner!

Entre les voix de ces deux hommes, le chasseur et la proie, s'intercale la parole de Sarah, qui passe en un éclair d'épouse à veuve, avant de redevenir une épouse, mais une épouse bafouée que son mari a abandonnée. Sarah cherche à protéger ses enfants, d'abord de la souffrance de la perte, ensuite de la souffrance de l'abandon. Elle est donc contrainte de simuler et dissimuler, pour être l'unique témoin de cette fuite. Sa collaboration avec Nick Sheperd va lui permettre de comprendre les motivations de Walker, les raisons de ce choix qu'il a fait.

On aborde dans ce roman les difficultés de communication dans un couple, les biais que nous introduisons dans les échanges avec ceux qui partagent nos vies, et qui conduisent à des incompréhensions parfois profondes. Comment accepter que l'homme qui partage votre vie depuis tant d'années s'en aille sans dire un mot, préfère disparaître que d'expliquer pourquoi il part? Sarah se retrouve à douter de tout ce qu'elle a vécu, à se demander si rien de leur passé commun n'était "réel", sans personne à qui le demander.

Ce livre m'a aussi interpellé sur les choix que l'on peut faire, les priorités qui sont données par chacun: Walker en décidant de ne pas blesser sa famille par un abandon qui aurait valeur de rejet préfère simuler sa mort, en se privant lui aussi de passer du temps avec ses enfants, de les voir grandir, alors qu'il les aime. Son besoin de liberté est plus fort que ce qu'il a construit, que ceux qu'il aime. Est-ce admirable d'accepter de renoncer aux autres pour "alléger" leur souffrance et leur culpabilité? N'est-ce pas de la lâcheté, la peur d'affronter le regard de ceux qu'on fait souffrir?

Je ne pense pas que je serais capable, comme Walker, de tout abandonner, mon coeur de mère ne vivrait plus, même si je voudrais être capable, comme lui, d'enfin prendre du temps pour moi, pour ne pas m'effacer derrière toutes mes obligations, choisies ou non. Peut-être d'ailleurs pour éviter un jour de vouloir tout lâcher!

jeudi 10 mai 2018

Lecture: Les filles au lion


Comme j'avais bien aimé "Miniaturiste", j'ai emprunté sans hésiter le deuxième roman de Jessie Burton.

Résumé: En 1967, cela fait déjà quelques années qu'Odelle, originaire des Caraïbes, vit à Londres. Elle travaille dans un magasin de chaussures mais elle s'y ennuie, et rêve de devenir écrivain. Et voilà que sa candidature à un poste de dactylo dans une galerie d'art est acceptée; un emploi qui pourrait bien changer sa vie. Dès lors, elle se met au service de Marjorie Quick, un personnage haut en couleur qui la pousse à écrire. Elle rencontre aussi Lawrie Scott, un jeune homme charmant qui possède un magnifique tableau représentant deux jeunes femmes et un lion. De ce tableau il ne sait rien, si ce n'est qu'il appartenait à sa mère. Marjorie Quick, à qui il soumet la mystérieuse toile, a l'air d'en savoir plus qu'elle ne veut bien le dire, ce qui pique la curiosité d'Odelle. La jeune femme décide de déchiffrer l'énigme des Filles au lion. Sa quête va révéler une histoire d'amour et d'ambition enfouie au coeur de l'Andalousie des années 30, alors que la guerre d'Espagne s'apprête à faire rage.

Comme pour Miniaturiste, j'ai été happée par l'histoire, n'ayant qu'une hâte, aller au bout de ces pages et découvrir, comme Odelle, le secret de ce tableau qui donne son titre au roman.
Après "L'écliptique", lu en début d'année, voilà un deuxième livre qui aborde le thème de l'art, de la création artistique, à la fois la peinture et l'écriture.
La façon de traiter le sujet n'est pas la même dans les deux romans, mais ils posent tous les deux la question du passage de la création pour soi à la création pour les autres, et les contraintes que cela engendre pour l'artiste.

Dans le "présent", Odelle veut être écrivain, elle écrit des poèmes mais voudrait écrire un roman. Grâce à sa rencontre avec Marjorie Quick, sa nouvelle patronne, elle va remettre en question sa façon d'appréhender la création: "J'avais écrit pendant si longtemps dans le but précis de provoquer l'approbation que j'avais oublié la genèse de mon impulsion: la création pure, libre, existant en dehors des paramètres de la réussite et de l'échec. Et à un moment donné, cette envie de faire quelque chose de "bon" avait fini par paralyser ma conviction que je pouvais écrire." Mais Marjorie Quick va lui rappeler qu'elle ne doit pas écrire pour l'approbation des autres, que sa personne en tant que telle n'est pas conditionnée par ce qu'elle écrit, qu'il faut qu'un artiste sache "séparer sa propre valeur de celle de sa production".
Cette prise de conscience va permettre à Odelle de reprendre la plume pour enfin laisser libre cours à son talent.
Cette notion de "séparer sa propre valeur de celle de sa production" s'applique dans le domaine de l'art, mais dans la vie en général. Apprendre à mettre de la distance entre les échecs/réussites dans le domaine professionnel et ce que l'on vaut n'est pas toujours facile, en tout cas pour moi, ce qui explique que les mots de Marjorie et d'Odelle ont eu une résonance particulière avec mon vécu. Si seulement je savais ne pas me sentir mise en cause quand tout n'est pas parfait, quand quelque chose ne fonctionne pas comme prévu....

Dans le "passé", c'est une autre approche de la création, et de la reconnaissance de l'artiste qui nous est présentée au travers d'Olive. En tombant amoureuse elle libère son génie créatif. Son attirance pour Isaac sert de catalyseur à ton talent déjà réel, même si elle n'en a pas conscience. Comme lui dit Isaac: "Je crois que tu as toujours eu ça en toi, prêt à sortir. Il se trouve que j'étais là au bon moment, pour que tu m'utilises comme une toile."
Mais Isaac n'est pas qu'un catalyseur de son talent, c'est aussi grâce à lui qu'elle va pouvoir le faire connaître au monde. Car Olive est une femme dans un monde où les peintres reconnus sont surtout des hommes, et son propre père, marchand d'art, n'expose jamais d'artistes féminines. Se pose alors la question de la valeur d'une oeuvre par rapport à son auteur:
"- Mon père [...] veut montrer le tableau d'Isaac à Paris, pas le mien.
- Mais vous n'avez qu'à lui dire que c'est vous qui l'avez peint.
- Est-ce que ce serait le même tableau? [...]. Je ne pense pas que mon père ferait preuve du même enthousiasme s'il savait que c'est moi qui l'ai peint".
Regarde t'on avec le même oeil un peintre inconnu ou un peintre célèbre? Est-ce qu'on attribue de la valeur à certaines oeuvres plus qu'à d'autres à cause de ceux qui les ont faites?

Si ce roman fait réfléchir sur la création, c'est aussi juste un moment de plaisir: Jessie Burton réussit avec les mots à nous donner l'impression de voir les tableaux de nos propres yeux, et elle nous emporte dans ces deux histoires qui se mêlent pour se fondre en une seule pour notre plus grand plaisir.
Une très belle lecture, que je recommande sans hésiter!

mardi 1 mai 2018

Lecture: Adèle et moi


A part Modiano, avec lequel je n'arrive vraiment pas à accrocher, en général les conseils de Galéa en matière de lecture m'ont toujours permis de belles découvertes. Et il faut avouer que sa chronique sur ce roman m'avait vraiment interpellée, au point que je l'ai commandé à la bilbiothèque.

Résumé: Après la mort de mon père j'ai trouvé en rangeant ses papiers des documents sur sa grand-mère dont j'ignorais tou et qui révélaient un secret de famille. Je ne me suis jamais intéressée aux ancêtres de personne; les gens que je connais pas, surtout s'ils sont morts, me sont cent fois plus étrangers, même si ils me sont apparentés, que les personnages de romans. Mais il y avait dans ce que je découvrais sur cette arrière-grand-mère des choses qui me plaisaient, d'autre que j'aurais voulu savoir. J'ai hésité à enquêter. Ce livre est le résultat de mes hésitations.

Soyons clairs, Galéa avait prévenu: " Ce livre est long, il est littéraire, et s'il n'a pas passé la sélection de septembre chez Elle, il y a sûrement des raisons. Certains ne l'ont pas aimé du tout. Et puis il faut reconnaître que c'est un livre peu propice à l'exercice du blog: un gros pavé, une écriture exigeante, des références historiques et littéraires."
Alors le prendre pendant mes vacances en famille à Amsterdam, ce n'était peut-être pas la meilleure idée, car je ne pouvais lire qu'en pointillés entre deux balades et les attaques du chat.
Du coup si vous voulez une bonne critique allez plutôt chez Galéa.

Cela dit, malgré la difficulté, j'ai été au bout de ce roman, parce que même si il est long et parfois ardu, j'ai été emportée par l'histoire d'Adèle. J'ai beaucoup apprécié cette femme en avance sur son temps, cette mère qui déteste les goûters d'anniversaire (ouf, je ne suis pas la seule), qui préfère la solitude dans sa maison sur la mer que les mondanités. Héritière d'un lourd passé familial dont elle ignore tout, mais qui la rattrape malgré elle, femme amoureuse qui choisit son mari malgré les différences de fortune, mère et grand-mère, Adèle est attachante.

Dans ce livre il y a aussi l'importance des maisons familiales: à Paris, à Sèvres, à Saint-Pair, toutes les maisons habitées par Adèle et sa famille ont leurs histoires, leurs anecdotes. On y a des souvenirs, des chagrins et des bonheurs, et ça a fait résonner en moi les échos de mes vacances familiales dans les maisons des mes grands-parents, les vacances avec les cousins, les conflits parfois, mais des moments qui resteront à jamais gravés en moi.
Et puis il y a la mer, celle qu'Adèle rencontre à son arrivée à Saint-Pair, celle qui pourrait submerger une partie du village, celle qu'elle surplombe de sa maison, pour en être le plus proche possible. J'ai beau être banlieusarde depuis toujours, la mer m'attire, j'adore les plages, les rochers, les embruns et les vagues. Alors comment ne pas aimer cette femme qui choisit d'aller au plus près de la mer?

Ce fut une lecture difficile, entrecoupée, et si j'ai beaucoup aimé Adèle je n'ai pas accroché avec la narratrice, un peu perdue par ses interventions dans une histoire qui se suffisait à elle même.
Mais ce fut une belle lecture, une fois encore Galéa m'a permis de découvrir un univers inconnu qui m'a plu! Alors merci à elle, et bonne lecture à tous ceux qui tenteront l'aventure!

mardi 10 avril 2018

Lecture: Une longue impatience


Recommandé par Galéa et par Séverine, qui en plus m'a gentiment prêté son exemplaire (dédicacé, je suis honorée de sa confiance), ce roman n'est pas resté longtemps dans ma PAL.

Résumé: "C'est l'histoire d'un fils qui part et d'une mère qui attend. C'est un amour maternel infini, aux portes de la folie. C'est l'attente du retour, d'un partage, et le rêve d'une fête insensée. C'est un couple qui se blesse et qui s'aime. C'est en Bretagne, entre la Seconde Guerre mondiale et les années soixante, et ce pourrait être ailleurs, partout où des femmes attendent ceux qui partent, partout où des mères s'inquiètent." 
Une femme perd son mari, pêcheur en mer, elle se remarie avec le pharmacien du village. Son fils, issu de sa première union, a du mal à s'intégrer dans cette nouvelle famille et finit par lui aussi prendre la mer. Commence alors pour la narratrice une longue attente qu'elle tentera, tant bien que mal, de combler par l'imagination du grand banquet qu'elle préparera pour son fils à son retour.

Ce roman est intemporel et universel. Anne est une femme et une mère de marins, son attente est celle de toutes ces femmes qui ont vu partir leurs hommes sur la mer, sa peur celle de toutes celles qui ont prié pour que la mer les leur rende sains et saufs. Peu importe l'époque, peu importe le rivage, elles sont toutes différentes et pourtant toutes semblables, dépendantes d'une mer nourricière qui peut tout leur prendre en un instant.
Mais plus largement, Anne incarne toutes les angoisses des mères du monde, celles qui voient partir leurs enfants, qui espèrent leur retour, ou au moins des nouvelles, celles de les savoir en bonne santé, heureux..... Dans son attente, Anne revient sur ses choix, et sur leurs conséquences sur son fils. Et le constat est sans appel: malgré tous ses efforts, et même si elle a toujours pensé à lui dans ses choix, et tenté de faire le mieux pour lui comme pour les autres, elle n'a pas réussi à ce qu'il trouve sa place dans ce nouveau foyer. Nous voudrions toutes ne jamais avoir à regretter les choix et décisions que nous prenons pour nos enfants, nos actes, nos paroles, mais si nous pouvions revenir en arrière, combien de fois agirions nous différemment? Anne est comme toutes les mères, animée des meilleures intentions, mais cela ne suffit pas toujours.

Les enfants ont leurs désirs propres, et le plus dur est certainement de trouver un équilibre entre ce que l'on pense bien pour eux, et ce qu'ils veulent. Ce roman nous montre la rupture de la confiance et du lien entre une mère et son fils, et c'est ce qui est le plus douloureux pour Anne. Comment passer d'une relation très étroite comme elle l'avait avec son fils après son veuvage, à un silence qui l'étouffe dans ses regrets?
 Louis a fui une maison dans laquelle il ne se sentait plus le bienvenu, la violence d'Etienne est l'élément déclencheur, ce qui va le conduire à ne plus donner de nouvelles. Et c'est ça qui est triste dans cette histoire: le départ de Louis était inéluctable, dès l'enfance il a prévenu sa mère qu'il partirait voir les baleines. Comme bien des hommes, Louis ne résistera pas à l'appel de la mer, qui l'invite à découvrir d'autres horizons. Mais ce départ est une rupture, un déchirement qui ne sera jamais réparé.

Cette rupture avec son fils, ce déchirement va générer chez Anne un déchirement intérieur, elle va devenir double: d'une part l'épouse et la mère, qui fait bonne figure, qui s'occupe de ses autres enfants, de son mari, et de l'autre la mère inquiète qui attend son enfant, qui l'espère sans savoir si un jour elle le reverra. Mais qui pourrait supporter cette attente, ce silence, sans en souffrir? Anne va s'user à espérer, s'éteindre sans se plaindre, en tentant de maintenir la flamme de l'espoir.

Ce roman est magnifique, tout en délicatesse, on accompagne Anne jusqu'au bout dans sa souffrance, en espérant avec elle, en revivant avec elle ce qui a conduit à cette attente si bouleversante. Une très belle lecture!

dimanche 8 avril 2018

Lecture: Un clafoutis aux tomates cerises


Résumé: Au soir de sa vie, Jeanne, quatre-vingt-dix ans, décode d'écrire son journal intime. Sur une année, du premier jour du printemps au dernier jour de l'hiver, d'évènements minuscules en réflexions désopilantes, elle consigne ses humeurs, ses souvenirs, sa petite vie de Parisienne exilée depuis plus de soixante ans dans l'Allier, dans sa maison posée au milieu des prés, des bois et des vaches. La liberté de vie et de ton est l'un des privilèges du très grand âge, aussi Jeanne fait-elle ce qu'elle veut - et ce qu'elle peut: regarder pousser ses fleurs, boire du vin blanc avec ses amies, s'amuser des mésaventures de Fernand et Marcelle, le couple haut en couleurs de la ferme d'à côté, accueillir - pas trop souvent - ses petits-enfants, remplir son congélateur de petits choux au fromage, déplier un transat pour se perdre dans les étoiles en espérant les voir toujours à la saison prochaine.....

Ce livre était dans ma PAL depuis quelques temps, l'avis de Bianca m'a poussé à l'en sortir, et je ne l'ai pas regretté!

Jeanne est une personne âgée comme on voudrait tous le devenir: elle a toute sa tête, même si elle craint d'avoir Alzheimer, elle est plutôt en forme, continue de conduire, de voir ses amies, de recevoir toute sa famille, et ce à 90 ans!

C'est une véritable chance, il faut le reconnaître, de vieillir comme ça. Parce que malheureusement j'ai bien des exemples autour de moi de personnes d'un certain âge qui sont malades, qui perdent la mémoire et la tête, qui perdent leur autonomie et leur indépendance. C'est triste et c'est dur, pour eux comme pour leur entourage: pour eux d'abord, quand ils déclinent physiquement en gardant toute leur tête, car il leur faut accepter de devenir dépendants, de devoir demander et accepter de l'aide, de devenir un "poids" pour ceux qui les entourent, car c'est souvent ainsi qu'ils se voient. Pour leur entourage aussi, parce que les enfants deviennent d'une certaine façon les parents de leurs parents, les rôles s'inversent, et que ce n'est pas toujours simple à gérer. Le pire étant de voir ses proches perdre la mémoire, perdre le lien avec leur entourage, devenir étrangers à leur vie. Ce qui rend parfois notre futur un peu angoissant. Combien de fois ma mère m'a dit; "j'espère qu'on ne pèsera pas sur vous comme ça". Car nos parents n'ont pas vécu ça avec leurs grands-parents, souvent partis plus tôt, et se retrouvent confrontés à une situation qu'ils n'imaginaient pas forcément, avoir à s'occuper de leurs parents. Et même si ils font ça de bon cœur, ce n'est pas toujours facile, ça n'a pas toujours été anticipé. Ma génération va pouvoir anticiper, mais cela ne rendra pas plus facile pour autant de supporter le déclin des proches.

Alors ce roman, c'est une petite pincée d'espoir, qui donne malgré tout envie de vieillir. Car Jeanne est délicieuse, une grand-mère comme on en voudrait tous. Elle est attendrissante quand elle prépare ses petits choux au fromage en avance, quand elle se heurte au progrès qu'elle ne comprend pas, mais n'ose pas le signifier pour ne pas embêter (et se faire embêter). Cette année durant laquelle on la suit nous permet de l'accompagner dans cette vieillesse qui la prive au fur et à mesure de ses amies, mais aussi petit peu par petit peu de tout ce qui a fait sa vie, conduire sa voiture, aller faire ses courses, voyager, tout devient progressivement plus compliqué, sans heurts mais inexorablement. Mais c'est aussi l'occasion de revenir avec elle sur les bons et les mauvais moments de sa vie passée (j'ai adoré les anecdotes sur sa belle-mère), de partager ses petits instants de bonheur, sa vie au quotidien, ses petits verres entre amies et ses apéros relevés, les débarquements impromptus de la voisine, le choix des fleurs et les passages au potager....

Des pages toutes en délicatesse, que j'ai dévoré avec grand plaisir, à consommer sans modération!

mercredi 28 mars 2018

Lecture: Poulets grillés


Je cherchais des romans policiers pour me détendre, et je suis tombée par hasard sur ce livre, dont la couverture m'a intriguée. Le résumé a fait le reste et je suis repartie avec le roman sous le bras.

Résumé: Lorsque le divisionnaire Buron décide de faire briller les statistiques du 36, il regroupe dans une brigade dont il confie le commandement à la commissaire Anne Capestan, reine notoire de la bavure, tout ce que la police judiciaire compte d’alcoolos, d'homos, de porte-poisse, d'écrivains, de crétins......pour élucider des affaires classées. Mais voilà, Capestan aime enquêter, travailler en équipe, et, surtout, contrarier sa hiérarchie.

Une équipe improbable, des affaires vieilles de plusieurs années, tout était réuni pour que la brigade échoue. Mais c'est sans compter sur la volonté de son commissaire, bien décidée à ne pas rester confinée dans son placard et à montrer de quoi ils sont capables.

Roman policier plein d'humour, avec des personnages certes rocambolesques mais attachants, entre l’alcoolique mondain, le rencardeur de la presse, la scénariste, le porte-poisse, le boeuf-carotte, le fou du volant....Privée de moyens d'actions officiels, la commissaire va mettre à profit toutes les compétences de ses troupes pour parvenir à ses fins, n'hésitant pas à braver sa hiérarchie pour boucler ses enquêtes. Et prouver que même bancale, sa brigade mérite sa place au sein du 36!
Une telle accumulation de bras cassés aurait pu faire "faux", mais ça fonctionne, j'ai accroché avec cette équipe hors du commun. Ca a un petit côté "Département V" à la française, mais en plus léger, en moins noir, l'humour y est plus présent et donne un véritable côté décalé à ce roman qui reste néanmoins un vrai roman policier, avec des enquêtes qui tiennent la route.

Ce roman se lit facilement, on est loin des romans policiers sombres qui vous minent le moral, là c'est sourire et détente garantis, parfait pour un petit moment de lecture sans prise de tête! Je n'hésiterai pas à emprunter la suite lors de mon prochain passage à la bibliothèque.

mardi 27 mars 2018

Lecture: La salle de bal


J'avais beaucoup aimé le premier roman d'Anna Hope, c'est donc sans hésitation que j'ai emprunté ce nouvel opus à la bibliothèque.

Résumé: Lors de l'hiver 1911, l'asile d'aliénés de Sharston, dans le Yorkshire, accueille une nouvelle pensionnaire: Ella, qui a brisé une vitre de la filature dans laquelle elle travaillait depuis l'enfance. Si elle espère d'abord être rapidement libérée, elle finit par s'habituer à la routine de l'institution. Hommes et femmes travaillent et vivent chacune de leur côté: les hommes cultivent la terre tandis que les femmes accomplissent leurs tâches à l'intérieur. Ils sont néanmoins réunis chaque vendredi dans une somptueuse salle de bal. Ella y retrouvera John, un "mélancolique irlandais". Tous deux danseront, toujours plus fébriles et plus épris. A la tête de l'orchestre, le docteur Fuller observe ses patients valser. Séduit par l'eugénisme et par le projet de loi sur le Contrôle des faibles 'esprit, Fulller a de grands projets pour guérir les malades. Projets qui pourraient avoir des conséquences désastreuses pour Ella et John.

Sous la plume fluide d'Anna Hope, ce roman nous transporte au début du siècle dernier, juste avant la première guerre mondiale, dans un pays soumis à de fortes tensions économiques.

Ce roman est d'abord l'histoire d'Ella et de John, une histoire d'apprivoisement et d'amour, de renaissance, mais sans mièvrerie, tout en pudeur et en délicatesse:

Ella est internée pour avoir brisé une fenêtre, pour avoir eu besoin d'air dans l'univers étouffant dans lequel elle vit et travaille depuis sa plus tendre enfance, et ce geste va la conduire à un enfermement encore plus dur.
John quant à lui a sombré après la mort de sa fille et le départ de sa femme, mais c'est la misère qui l'a conduit à l'asile, et non la folie. Irlandais, il subit les foudres d'un ancien interné devenu gardien, qui mériterait bien plus sa place entre les murs de l'asile.

Ella veut s'enfuir, mais finit par se résigner à son enfermement, John s'est accommodé de sa vie, mais ne participe pas au temps fort de la vie des internés, le bal du vendredi soir. C'est contraint par le docteur Fuller qu'il va devoir y aller, qu'il va rencontrer Ella, et cette rencontre va changer leur vie malgré eux.
John va par ses lettres offrir à Ella la liberté dont elle est privée, lui faisant partager les moments qu'il passe à l'extérieur. Loin de grandes déclarations, ce sont des petites escapades qui ouvrent le cœur d'Ella, et vont ramener John sur le chemin de la vie.

Si au premier abord Sharston peut sembler être un lieu propice à la guérison des personnes qui y sont internées, bénéficiant d'une saine activité, d'une nourriture équilibrée et suffisante, et même de musique et de danse, au travers des récits d'Ella et de John c'est une toute autre image qui émerge: internements arbitraires et peu justifiés, dortoirs bondés, liberté restreinte, traitement inhumain de la part du personnel, punitions et brimades, activités soumises au bon vouloir des médecins et infirmières, travail dur et répétitif, la vie est loin d'être rose pour ces internés qui n'ont parfois comme seul tort que celui d'être nés pauvres et de souffrir de la misère, de la faim....
Ces femmes et ces hommes sont considérés comme des faibles d'esprit, et font l'objet de nombreuses réflexions pour éviter qu'ils ne "contaminent" l'Angleterre par leur multiplication.

Au travers des réflexions de Charles Fuller, un des médecins de l'asile, on aborde le sujet de l'eugénisme, et de la façon de mener cette "amélioration de la race", soit par stérilisation des sujets considérés comme inaptes, théorie prônée à l'époque, y compris par Churchill, soit comme le préconise d'abord Fuller qui veut montrer que le fonctionnement de Sharston et l'utilisation de la musique permet d'atteindre les mêmes résultats.
Mais ses réflexions conduisent Fuller à s'interroger sur ces "êtres inférieurs", qui par bien des égards lui sont supérieurs, et qui pour certains sont loin d'être aussi inaptes que leur internement pourrait le laisser penser. Et si cette analyse devrait conduire Fuller à rejeter la politique de stérilisation, elle va bien au contraire le faire basculer, et avec lui le destin des autres protagonistes de l'histoire, en particulier d'Ella et de John.

Fuller n'est pas un personnage sympathique, contrairement à John et Ella, mais je dois reconnaître que l'idée d’utiliser la musique comme thérapie me plaît, seule bonne action de cet homme finalement mal dans sa peau, cherchant sa place dans un monde qui n'accepterait pas ce qu'il est au fond de lui, et qui pourrait le renvoyer aux côtés de ceux qu'il soigne.

Il y a enfin un personnage sans qui l'histoire d'Ella et John ne pourrait se réaliser, c'est Clem, la co-internée d'Ella, jeune fille de bonne famille aux tendances suicidaires, que sa famille a placé volontairement à Sharston, et qui fait tout son possible pour y rester, en attendant de trouver sa voie. C'est une jeune femme cultivée, passant sa vie dans les livres, et qui à cause des théories sur la place des femmes et le rôle subversif de la lecture et la culture va elle aussi voir son destin basculer.
Clem et Ella incarnent ce que la société pensait des femmes, dont la place était soit de travailler sans se plaindre pour la famille dans les milieux pauvres, soit d'assumer le rôle d'épouse et de mère qui leu était dévolu, sans avoir le droit de réfléchir et de penser.

Une lecture très riche, qui confirme pour moi le talent d'Anna Hope, capable à travers ses romans d'aborder de vrais sujets de réflexions ancrés dans l'histoire.

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Participation à "A year in England"


jeudi 15 février 2018

Lecture: L'écliptique


Presque 2 mois sans écrire ici, et pourtant je lis toujours, mais je n'ai plus le temps / le courage / l'envie de chroniquer mes lectures. Même si dans ces lectures il y en a qui mériteraient vraiment de l'être.
Et puis il y a aussi le doute, parce qu'en relisant certains posts je prends conscience que je suis loin d'être une bonne critique littéraire, que ma plume est loin d'être jolie, et qu'il y a bien des blogs plus sympas à suivre (et non, je ne cherche pas de compliments, je suis réaliste sur ce coup :-().
Cela dit, il y a eu dans mes dernières lectures des découvertes que j'ai envie de vous faire partager, en voilà une (qui commence à dater, mais je me lance quand même).

Comme j'avais beaucoup aimé "Le complexe d'Eden Bellwether", je n'ai pas hésité à emprunter son deuxième roman quand je l'ai vu sur le présentoir de la bilbiothèque.

Résumé: 1972, sur l'île de Heybeliada au large d'Istanbul, le refuge de Portmantle accueille des artistes en burn-out. Knell, talentueuse peintre écossaise, y vit depuis une dizaine d'années quand son quotidien est chamboulé par l'arrivée de Fullerton, un nouveau venu instable, qu'elle retrouve bientôt noyé dans sa baignoire. Cet événement l'oblige à considérer d'un œil différent ce refuge régi par des lois singulières. Elle replongera aussi dans sa jeunesse en Ecosse et dans ses années de formation dans le Londres des sixties."

Ce roman nous parle de la création artistique, et en particulier pour la peinture, même si au travers des résidents de Portmantle on aborde aussi la création littéraire ou architecturale. Ce thème de la création artistique se décline quant à lui en plusieurs volets: 
- la naissance d'un artiste, passage d'une création pour soi à une création pour les autres
- comment sont liées l'inspiration, la création, et la vie de ces artistes.
- la création dans la durée, ou comment se renouveler quand on a connu un grand succès
- comment sont liées l'inspiration, la création, et la vie de ces artistes.

Création dans la durée d'abord: les résidents de Portmantle ont un point commun: ils sont connus, ont réalisé des oeuvres ou créations qui ont connu du succès, mais sont arrivés à un point de blocage, feuille blanche ou toile blanche. Dans ce cadre isolé où on les dépouille de leur identité, qui leur garantit un certain anonymat et une certaine tranquillité, on leur offre les conditions pour "remettre en marche" leur créativité. D'une certaine façon ce changement d'identité leur offre aussi un nouveau départ, une façon de laisser derrière soi ce qui a déjà été fait pour se relancer, sorte de renaissance à la création.

Cette vie tranquille que mène Knell, l'héroïne du roman, est bouleversée par l'arrivée d'un jeune homme étrange, qui va la ramener dans son passé, nous permettant de comprendre ce qui a conduit cette femme dans cette retraite isolée.

Knell (en réalité Elspeth) se découvre une passion pour la peinture dans la cour de son immeuble, elle va ensuite entrer dans une école de peinture, d'où elle ne sortira pas diplômée, n'ayant pas su convaincre de son talent. Encouragée par un de ses professeurs, elle va malgré tout continuer dans cette voie, en devenant l'assistante d'un peintre connu. Grâce à une de ses peintures aperçue par hasard par un agent artistique, elle va pouvoir exposer dans une galerie, et accéder à la notoriété.

Mais toute médaille a un revers, et le fait de travailler pour une galerie va brider la créativité de notre jeune peintre: il faut maintenant peindre pour vendre, et ce qui se vend n'est pas forcément ce qu'elle a dans le ventre, ce qu'elle voudrait transmettre. Il faut aussi produire, s'engager sur des dates, des tableaux, faire de la représentation... Knell/Elspeth perd son âme, perd le goût de la peinture, au point presque d'en perdre la raison. On souffre avec Elspeth de ce qui écorche son âme, de cette douleur à ne pas réussir, de cette peur qui l'habite et qu'elle n'arrive pas à évacuer. Elle frôle la folie tandis que d'autres sombreront dans l'alcool, tant le conflit intérieur qu'ils vivent est intense.

Je n'en dirai pas plus sur le fond pour ne pas spoiler ce roman déroutant, dont la fin m'a totalement surprise et déstabilisée....

Sur la forme par contre, j'ai encore été emportée par la plume de Benjamin Wood. Il a réussi à me faire visualiser les peintures d'Elspeth, à m'emmener me promener dans Portmantle avec elle, son écriture stimule sans difficulté mon imaginaire pour me faire entrer dans l'univers qu'il crée.

Petit bémol, il y a des longueurs, des passages où j'ai perdu un peu le fil, mais cela reste une belle lecture qui confirme l'impression que m'avait laissé son premier roman.