samedi 18 avril 2015

Lecture: La cote 400

Je cherchais à la bibliothèque "La condition pavillonnaire" du même auteur, recommandé dans les pépites 2014-2015 compilées par Galéa, ils ne l'avaient pas, mais j'ai immédiatement été séduite par la quatrième de couverture:


Elle rêve d'être professeur, mais échoue au certificat et se fait bibliothécaire. Esseulée, soumise aux lois de la classification de Dewey et à l'ordre le plus strict, elle cache ses angoisses dans un métier discret. Les années passent, elle renonce aux hommes, mais un jour un beau chercheur apparaît et la voilà qui remet ses bijoux. Bienvenue dans les névroses d'une femme invisible. Bienvenue à la bibliothèque municipale, temple du savoir où se croisent étudiants, chômeurs, retraités, flâneurs, chacun dans son univers. Mais un jour ce bel ordre finit par se fissurer.


Comment résister à un roman qui parle de bibliothèque, qui parle de livres, moi qui depuis que je suis entrée au collège ait fait des différentes bibliothèques, scolaires puis municipales, mon lieu de sortie de prédilection.

Ce récit est très court, 64 pages seulement, mais 64 pages intenses d'un monologue sans retour à la ligne, sans paragraphe, sans respiration, 64 pages qu'on dévore sans s'arrêter, pendus aux lèvres de la narratrice.
Cette narratrice, c'est une bibliothécaire, responsable du rayon "Géographie", dans une ville de province où elle a atterri 25 ans plus tôt pour suivre l'homme dont elle était amoureuse, qui l'a abandonnée, et comble de l'horreur, pour une ingénieure: "J'avais tellement honte: avoir pu aimer un homme capable de trouver du charme à une bureaucrate nucléaire,  quelle barbarie"

Cette femme qui a raté le CAPES et qui est devenue "ouvrière spécialisée, rangeuse de livres, petite main, bip-bip...... ", elle a un avis sur tout: l'organisation de la bibliothèque, la hiérarchie des bibliothécaires, les lecteurs, l'histoire.... et elle nous en fait profiter en même temps qu'à un lecteur qui a passé la nuit à la bibliothèque, et qu'elle a retrouvé endormi dans ses rayons.
Comment ne pas trouver attachante une femme dont l'auteur préféré est Maupassant, une femme pour qui les livres sont tout, une femme qui dit "quand je lis, le peux tout oublier, des fois je n'entends même pas le téléphone", "quand je lis, je ne suis plus seule". Et pourtant, seule, elle l'est, c'est une vieille fille pleine de tocs et de préjugés, qui considère que "c'était bien la peine d'acheter des romans ouzbeks mal traduits et inempruntables si on n'avait pas d'abord tous les livres et les romans de Beauvoir et Maupassant", qui est incapable de sympathiser avec ses collègues qu'elle regarde de haut.

Elle nous ferait presque de la peine, on l'imagine tellement bien, souris grise dans le sous-sol de la bibliothèque, rayon géographie, là où ne se promène pas pas hasard, celle qu'on ne voit pas, la femme invisible qui enregistre les emprunts, et surveille que l'ordre règne dans son domaine, celle qui voudrait bien qu'un de ses visiteurs réguliers, qui lui semble à la hauteur de ses attentes intellectuelles, la regarde!

Ce monologue est captivant, on est totalement plongés dans ce sous-sol, qui nous évoque forcément des souvenirs, parce qu'un jour où l'autre on a tous erré dans ces rayons à la recherche de matière pour un exposé ou un devoir.... Notre bibliothécaire passe du coq-à-l'âne sans jamais nous perdre, déversant dans une oreille disponible sa vision de sa vie, du monde et des autres, au travers du prisme de sa classification de Dewey, et ça a été pour moi une excellente lecture, un vrai coup de coeur.

Alors si vous ne l'avez pas encore découvert, n'hésitez pas à vous mettre à l'écoute de cette femme!

2 commentaires:

  1. Un petit livre qui m'a plu aussi, qui m'a surtout bien amusée. Mais La condition pavillonnaire, qui fait défiler toute la vie d'une Emma Bovary moderne, a quand même plus d'ampleur. J'espère que tu vas finir par le trouver !

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    1. Tu me donnes encore plus envie de le lire... Je sens que la bibliothèque va avoir souvent des suggestions de lecture de ma part!

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