vendredi 3 avril 2015

Lecture: Réparer les vivants


Encore un livre que j'ai emprunté sur les conseils de Galéa, son article m'avait vraiment donné envie de découvrir ce roman. Maylis de Kerangal, pourtant, je n'étais pas sereine, un de mes collègues (qui n'est pas rebuté par les lectures arides) avait abandonné "Naissance d'un pont" au bout de 12 pages. Sachant que les ponts, c'est notre domaine, c'était plutôt mauvais signe....

Résumé:
"Le coeur de Simon migrait dans un autre endroit du pays, ses reins, son foie et ses poumons gagnaient d'autres provinces, ils filaient vers d'autres corps". Réparer les vivants est le roman d'une transplantation cardiaque. Telle une chanson de gestes, il tisse les présences et les espaces, les voix et les actes qui vont se relayer en vingt-quatre heures exactement. Roman de tension et de patience, d'accélérations paniques et de pauses méditatives, il trace une aventure métaphysique, à la fois collective et intime, où le coeur, au-delà de sa fonction organique, demeure le siège des affects et le symbole de l'amour.

Le sujet est difficile, l'auteur nous parle de don d'organes, à partir d'un cas fictif, et pourtant si réel. Premier choc du roman, l'accident qui plonge Simon dans le coma, contraste saisissant avec ce jeune si vivant parti affronter les vagues aux aurores, ce jeune prêt à tout pour prendre la meilleure vague. On bascule d'un coup dans l'univers de la réanimation, et dans le processus du don, vu par les différents acteurs de cet enchainement de faits et d'actions qui conduisent de la mort à la vie.

J'ai eu beaucoup de mal avec le style de Maylis de Kerangal: phrases très longues, accumulation d'énumérations et digressions usant de virgules, tirets, comparaisons, redondance.....qui, pour une lectrice comme moi qui a une fâcheuse tendance à sauter des mots, rend la lecture très ardue et peu fluide. C'est d'ailleurs ce qui a bloqué mon collègue, les phrases d'une page dont on ne voit pas la fin, au lieu d'un style plus "concis" et plus accessible.
Cela dit, dans le cas qui nous intéresse, je pense que ce style permet de rendre supportable le fond de l'histoire, car comment ne pas se projeter dans ce roman qui peut toucher un large public: on peut s'identifier à Simon ou ses amis, prêts à se brûler les ailes pour vivre leur passion, à Juliette, le premier amour, à Marianne et Sean, les parents brisés, aux médecins et soignants qui accompagnent toutes les étapes, ou enfin à ceux qui reçoivent, à leur famille....

Et en s'identifiant, on est poussé à réfléchir. Comment réagirions nous à la place de Marianne et Sean qui doivent décider si leur fils est ou non donneur? Comment accepter la mort de celui qui ne devrait pas partir avant nous, alors qu'il semble juste dormir? Autant pour moi la question ne se pose pas, je suis d'accord pour donner (il faudrait d'ailleurs que je voie quelles démarches faire pour être sure que personne ne se pose la question le cas échéant), autant je ne sais pas ce que je ferais si ça devait arriver à mes enfants ou mon mari (et là je croise les doigts pour ne jamais avoir à me poser la question).
Chaque personnage tour à tour est important, permettant de s'immerger dans ce processus complexe, permettant d'appréhender les enjeux de chacun, les rôles de chacun, et de détailler pas à pas le déroulement de ce transfert qui permet de "réparer les vivants". Et l'auteur les rend profondément humains, les ancrant dans une histoire, une réalité, ne se contentant pas de la place qu'ils occupent dans ce drame, mais les ramenant à ce qu'on connaît, une infirmière malheureuse en amour, un médecin bon élève, une "fille de", une femme comme les autres qui mange mal et ne veut pas aller chez sa fille.....Chacun a un vécu en dehors de ce don, qui rend le roman profondément réel.

Au final, une lecture intéressante, qui m'a fait réfléchir, et qui me donne envie d'aller voir si le style de l'auteur peut être apprivoisé, ou si cela restera définitivement pour moi un frein à sa lecture (parce que j'ai quand même besoin que lire reste un plaisir accessible, même quand il est 23h et que je suis crevée).

2 commentaires:

  1. moi tu vois j'ai été totalement emballée par son style que je trouve brillantissime, mais qui c'est vrai exige une lecture attentive, c'est l'anti-écriture de consommation je trouve.
    Mais tu mets le doits exactement sur ce que je pense: le problème n'est pas le don d'organe dans ce livre mais le don d'organe qui ce qui est le plus cher à nos yeux. ET ça j'ai trouvé cette dimension vraiment très très aboutie.
    Je suis contente que tu l'aies lu même si tu es moins enthousiaste que moi.
    Des bises ma Féli.

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    1. En fait je crois que mon esprit est trop "scientifique" pour ce type d'écriture, ça ne va pas assez à l'essentiel. Mais bon, ça n'a pas gâché le livre pour autant, ça m'a juste obligée à ne pas sauter de mots ;-)
      Bises

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