mercredi 23 novembre 2016

Lecture: L'administrateur provisoire

J'avais énormément aimé "La maladroite", j'étais donc très tentée par le nouveau roman d'Alexandre Seurat.

Résumé: Découvrant au début du récit que la mort de son jeune frère résonne avec un secret de famille, le narrateur interroge ses proches, puis, devant leur silence, mène sa recherche dans les Archives nationales. Il découvre alors que son arrière-grand-père a participé à la confiscation des biens juifs durant l'Occupation. Le récit tente d'éclairer de aspects historiques souvent négligés jusqu'à récemment, celle de l'aryanisation économique de la France de Vichy, crime longtemps refoulé par la mémoire collective. Une enquête à la fois familiale et historique bouleversante, s'appuyant sur des faits réels.

Ce roman est loin du sujet poignant du précédent, mais il traite lui aussi d'un sujet difficile, celui de la collaboration pendant la Seconde Guerre Mondiale. Mais la collaboration abordée ici n'est pas celle que tout le monde connaît, celle de la délation, mais une collaboration "officielle", que pour ma part je ne connaissais pas, l'aryanisation économique: les entreprises juives sont repérées, un administrateur provisoire est chargé de les gérer et de trouver un repreneur à qui il revend l'affaire.

Le narrateur apprend après la mort de son frère le rôle tenu par son arrière-grand-père pendant la guerre. Toute la famille est au courant, mais on n'en parle pas (ce qui est d'ailleurs compréhensible car ce n'est pas le genre de choses dont on se vante), mais surtout l'affaire a été minimisée, des excuses ont été trouvées.
Le narrateur va alors mener sa propre enquête, en interrogeant la famille d'abord, et en creusant les archives. Et la vérité est bien plus rude que la version familiale édulcorée qui fait de cet arrière-grand-père une victime du système qui a dû accepter de mener cette tâche odieuse pour faire libérer son fils prisonnier des Allemands: cet homme a exercé bien au-delà de la libération de son fils, et avec zèle, rouage de cet engrenage qui a conduit à la déportation des familles juives.
D'un côté on a un homme rigide, inventeur raté qui n'a pas réussi à faire aboutir son projet, et de l'autre des familles qui ont construit et fait prospérer leur entreprise, et cet homme rigide, zélé, va, comme une revanche du destin, détruire toute leur vie.

En menant cette enquête, le narrateur met à jour un pan de l'histoire familiale, qui explique le rapport de sa famille avec le judaïsme et les liens entre les différents membres, mais aussi un pan de l'Histoire, au travers des histoires de ces familles spoliées, basées sur des faits réels.

En filigrane de l'enquête, on a les rêves du narrateur, et les allusions à son frère, ses troubles et son décès, sans qu'on sache jamais vraiment ce qui s'est réellement passé. Ces éléments un peu "flous" renforcent l'impression du trouble ressenti par le narrateur perturbé à la fois par la mort de son frère et par ce qu'il met à jour.

Alexandre Seurat traite encore une fois avec finesse un sujet difficile, se basant sur des faits réels, nous offrant un roman très réaliste et très intéressant, une très belle découverte de la rentrée littéraire!

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