samedi 6 septembre 2014

Lecture: La vie rêvée d'Ernesto G.

Sur les conseils d'un ami, j'avais découvert et adoré le premier roman de Jean-Michel Guenassia, "Le club des incorrigibles optimistes", Goncourt des Lycéens en 2009. Du coup, en cherchant un livre à offrir à ma mère en remplacement de "La vérité sur l'affaire Harry Québert", cadeau prévu pour Noël 2012, et que mon père avait déjà acheté, je me suis jetée sans hésitation et avec soulagement sur le nouveau roman de Guenassia (je n'avais que peu de temps pour trouver un cadeau de remplacement sans me faire prendre par ma mère, et que même si la librairie du village de montagne où nous passons nos vacances est plutôt bien achalandée, il est parfois difficile de trouver la perle rare quand on n'a ni idée ni conseils...)

Comme je suis une rapide, ce livre est resté dans la pile de ma table de nuit pendant plus d'un an (ben oui, à chaque fois que je vais à la bibliothèque, je me fais avoir, j'emprunte de nouveaux livres, et je ne fais pas descendre la pile de la maison.....), mais cet été j'ai enfin eu le temps découvrir ce livre.

Résumé: Paris-Alger-Prague. Des années 30 aux années 80. Des guinguettes de Joinville à la peste d Alger, de la guerre à l effondrement communiste. La trajectoire de Joseph Kaplan, fils et petit-fils de médecins juifs praguois, héros malgré lui, fataliste et optimiste à sa manière. Ses amours, ses engagements et ses désillusions. Et la rencontre qui bouleversa sa vie, celle qu il fit avec un révolutionnaire cubain qui passa quelques temps en 1966 dans son sanatorium des environs de Prague, un certain Ernesto G., guerrier magnifique et déchu.

Ce livre, c'est l'histoire de Joseph Kaplan, de son enfance à Prague à la fin de sa vie dans son pays natal, en passant par Paris ou Alger, à travers les grands conflits et les grands événements du XXème siècle.
Je n'étais pas vraiment dans les conditions idéales pour dévorer les quelques 500 pages de ce roman, fin de vacances et reprise du boulot et du train-train quotidien (hum!). Je l'avais commencé, posé par la force des choses, repris par bribes, et pourtant, je n'ai jamais eu la tentation de laisser tomber. Pourtant, pas de rebondissement, pas de rythme haletant qui maintient la pression du lecteur, mais j'ai été embarquée dans cette histoire, dans le style de Guenassia, et je l'ai terminé avec plaisir. Pas une seule fois je n'ai eu besoin de revenir en arrière en reprenant la lecture pour retrouver où j'en étais (et je ne mets pas de marque-pages....), pour me souvenir de ce qui se passait, et pour moi c'est toujours bon signe ;-)

J'ai beaucoup aimé les personnages "imparfaits" de Guenassia, Joseph, étudiant en médecine passionné par la danse, prêt à s'engager dans la guerre d'Espagne pour défendre ses convictions, mais qui y renonce en écoutant sa raison, pour poursuivre ses études, qui est emporté par l'Histoire, de l'avènement  à la chute du communisme en Tchécoslovaquie. Joseph est un peu un anti-héros, ses choix n'en sont pas vraiment: son "exil" au fin fond de l'Algérie est une fuite imposée par son chef pour se protéger du nazisme, son retour en Tchécoslovaquie possible grâce aux retrouvailles improbables avec Pavel, de même que son accession à un poste de député, même les femmes de sa vie il ne les épouse que par "chance", dans les deux cas elles ont été abandonnées par un de ses amis. Pourtant je l'ai trouvé attachant ce personnage qui se laisse ballotter par le destin jusqu'à la chute du communisme, l'ouverture des frontières, et là il reprend le contrôle de sa vie, retrouve son fils et rattrape un pan de sa vie perdue.

J'ai aussi beaucoup aimé les personnages féminins de ce roman: Christine d'abord, qui à une époque où les femmes n'étaient pas libres a choisi de vivre la vie qu'elle voulait, indépendante et forte, et qui pourtant par amour et pour "s'attacher" un homme, est prête à renier tous ses idéaux. Elle suit Joseph jusqu'au bout de ses forces, avant d'abandonner et de repartir vivre son destin loin de la prison qu'est devenue la Tchécoslovaquie. Tereza ensuite, qui devra du jour au lendemain apprendre à vivre sans savoir ce qu'est devenu son mari. Helena enfin, née sous le communisme, qui a vu disparaître sa mère sans explications, prête à abandonner toute sa vie pour son grand amour, pour le suivre jusqu'au bout du monde, sans espoir de retour.

Ce livre c'est aussi le balayage de l'Histoire, et en particulier de la Seconde Guerre Mondiale vue d'Algérie, avec un épisode de peste à Alger qui m'a fait penser au superbe roman de Camus, mais aussi de la montée du communisme et de ses dérives en Europe de l'Est, rendant un idéal de liberté synonyme de prison et de totalitarisme.

Ce livre a été un très bon moment de lecture, une confirmation que Guenassia est un auteur qui me parle, en particulier par la richesse de ses personnages qui pour moi sont la force de ces romans.

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