mercredi 26 novembre 2014

Lecture: Meursault, contre-enquête


Ce roman, j'en ai entendu parler, comme beaucoup, à l'occasion des prix littéraires, puisqu'il était présélectionné pour le Goncourt et le Renaudot, en particulier via les commentaires de blogueuses qui attendaient les résultats de ces prestigieuses récompenses.
Je dois avouer que pour ma part, je suis peu sensible aux prix littéraires (je suis déconnectée pour ça), sauf le Goncourt des lycéens par lequel je suis souvent séduite (je dois avoir gardé une âme de jeune fille ;-))

Revenons à nos moutons, ou plutôt à ce roman que j'ai eu la chance de trouver à la bibliothèque (en général les livres médiatiques, je les trouve des années après). J'ai essayé par la même occasion d'emprunter "L'étranger", de Camus, pour faire le lien, mais celui-là manquait à l'appel....et à la maison je ne l'ai pas retrouvé dans mes étagères (il doit probablement se trouver chez mes parents ou l'un de mes frères, quoique ça j'en doute un peu!).
Je m'excuse d'avance du côté un peu "brouillon" de cette critique, pour la première fois j'ai eu vraiment du mal à mettre en mots ce qui fait que j'ai aimé ce roman (parce qu'ill m'a beaucoup plu). Je vous recommande d'aller lire la critique de Val, que je n'ai lue qu'après coup et qui dit bien mieux que moi tout ce que je voudrais vous dire.

Résumé: Il est le frère de “l’Arabe” tué par un certain Meursault dont le crime est relaté dans un célèbre roman du xxe siècle. Soixante-dix ans après les faits, Haroun, qui depuis l’enfance a vécu dans l’ombre et le souvenir de l’absent, ne se résigne pas à laisser celui-ci dans l’anonymat : il redonne un nom et une histoire à Moussa, mort par hasard sur une plage trop ensoleillée.
Haroun est un vieil homme tourmenté par la frustration. Soir après soir, dans un bar d’Oran, il rumine sa solitude, sa colère contre les hommes qui ont tant besoin d’un dieu, son désarroi face à un pays qui l’a déçu. Étranger parmi les siens, il voudrait mourir enfin…

Commençons par ce qui m'a déplu dans ce roman: je ne me souvenais pas bien du roman de Camus, ça a un peu pollué ma lecture car le narrateur y fait souvent référence. La deuxième chose qui m'a gênée, c'est le fait que Camus est "gommé": dans le roman de Daoud, c'est Meursault lui-même qui a écrit son histoire. "L'Etranger" en lui-même sert de base, mais c'est sous une forme et un titre modifiés qu'il est introduit par Daoud qui renforce l'importance de Meursault par rapport à sa victime en lui offrant la paternité du récit originel, renvoyant encore plus le frère d'Haroun à son anonymat.

Maintenant que le tour des points négatifs est fait, voilà les points positifs: premièrement, j'ai beaucoup aimé cette idée de donner vie à la victime de Meursault, cet homme sans qui le roman initial n'existerait pas, mais qui n'a pas d'identité réelle dans ce premier opus. Daoud lui construit une famille, un passé, et son meurtre anonyme fait basculer le destin de cette famille, plongée dans la douleur d'un deuil qui n'est pas reconnu en dehors de leur quartier, parce que seul le meurtrier a été identifié, quand sa victime est restée "l'Arabe", sans identité, sans corps, sans reconnaissance.

Sa famille, c'est sa mère, qui après avoir perdu un mari évaporé dans la nature, perd un fils dont le décès n'est pas reconnu, ne lui permettant pas la reconnaissance de la nation pour cette perte. Elle va s'enfermer dans sa douleur, et enfermer son autre fils dans l'ombre de son frère qui n'aurait pas dû disparaître.
Cet autre fils, c'est Haroun, le narrateur, lui qui a suivi sa mère, qui va l'aider à assouvir sa vengeance, mais qui ne trouvera jamais sa place parmi ses semblables.

Une autre force de ce roman, c'est son ancrage dans l'Histoire, dans le bouleversement de l'indépendance de l'Algérie. Ces changements vont influer sur l'histoire d'Haroun et de sa mère, vont permettre la vengeance, mais encore une fois, comme la mort de Moussa, à contre-temps: Moussa est mort trop tôt, ne lui permettant pas d'être reconnu comme martyr, et son frère se venge trop tard, quand son acte devient passible de justice.
Tout cela ajoute à l'impression qu'Haroun n'est pas à sa place, il ne fait pas ce que son pays attend de lui, il ne fait pas ce que ses compatriotes attendent de lui, il ne s'est pas engagé dans le maquis, n'est pas croyant....Il y a d'ailleurs dans ce roman une forme de critique du fanatisme religieux qui rejette les plaisirs de la vie et conditionne les comportements, par les nombreuses allusions d'Haroun à ce qui pouvait être fait par le passé.

Et puis il y a la place du français, et la place du livre de "Meursault": Haroun va apprendre le français, "pour retrouver un assassin" (p.130). C'est en français que sont écrits les deux coupures de journaux narrant le crime de Meursault. Et à partir de ces coupures, Haroun va broder pour sa mère, pour lui offrir ce que la réalité ne lui a pas donné: le récit de la mort de son fils. Mais le véritable récit, ils le découvrent par hasard, et leur univers bascule: "Tout était écrit" (p. 138), mais eux seuls ne le savaient pas. La langue qu'Haroun a apprise pour retrouver le meurtrier de son frère est celle qui a permis à l'assassin de devenir célèbre, d'effacer son crime : "Le premier savait raconter, au point qu'il a réussi à faire oublier son crime..." (p.11). Et ce récit, loin de rendre justice à Moussa, le renvoie encore plus à son anonymat, renforçant la col!re d'Haroun.

Ce livre, il m'a beaucoup plu, mais il est extrêmement riche, trop pour que j'arrive à vous en dévoiler toutes les finesses sans révéler les clés de l'histoire, celles qui font qu'on ne lâche pas ce livre, emportés par le récit de ce narrateur si particulier.

2 commentaires:

  1. J'étais déjà totalement convaincue par Val, je l'ai noté, et je dois le lire bientôt (j'espère me le faire offrir pour Noël), je me relirai l'Etranger avant quand même (car je crains ce que tu dis, de ne pas l'avoir en tête et souffrir des références). J'aime beaucoup ce que tu dis sur le fait que cela va au-delà finalement du miroir de l'Etranger: sur la langue, la critique d'une certaine orthodoxie religieuse...
    bref, j'ai vraiment hâte de le lire.
    Super billet (qui va faire plaisir à Val ;-)

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    1. C'est clair, il vaut mieux relire l'Etranger!
      Je suis contente que tu aies apprécié mon billet, j'ai un peu eu l'impression de ne pas être claire du tout ;-)

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