Pas beaucoup de chroniques en ce moment, les préoccupations du quotidien ne me laissent pas beaucoup de temps pour le clavier, et j'accumule beaucoup de lectures "faciles", telles que les derniers Musso, Levi et Bussi, qui ont le mérite de m'offrir des coupures sans prise de tête.
Avant que tout s'accélère et que je n'aie plus de temps pour moi, j'avais trouvé à bibliothèque l'avant-dernier roman d'Antoine Bello, et il était inimaginable pour moi de le rendre sans l'avoir lu, c'est chose faite maintenant!
Résumé:
Walker a tout pour être heureux. Il dirige une florissante entreprise au Nouveau-Mexique et sa femme, la riche et belle Sarah, lui a donnée trois magnifiques enfants. Et pourtant, il ne supporte plus sa vie. Entre sa famille, son entreprise et les contraintes de toutes sorites, son temps lui échappe. Une seule solution: la fuite. Walker va mettre en scène sa mort de façon à ne pas peiner inutilement les siens. Malheureusement pour lui, Nck Sheperd, redoutable détective spécialisé dans les disparitions, s'empare de son affaire et se forge la conviction que Walker est encore vivant. S'engage entre les deux hommes une fascinante course-poursuite sur le territoire des Etats-Unis. EN heu: la liberté, une certaine conception de l'honneur, et l'amour de Sarah.
Dans les précédents romans que j'avais lus (
Ada /
Les falsificateurs /
Les éclaireurs /
Les producteurs), Antoine Bello nous projetait dans des histoires où la fiction pourrait un jour devenir notre réalité (ou bien l'est déjà, qui sait si nous ne sommes effectivement pas manipulés pour croire ce qu'on veut nous faire croire......).
Dans "L'homme qui s'envola", pas de projection dans le futur, pas de manipulation, rien que l'histoire d'un homme qui ne supporte plus sa vie. Walker a tout, l'argent, la réussite professionnelle, la réussite personnelle, familiale. Que demander de plus? Mais cette vie étouffe Walker, d'autant plus qu'il sait comment elle va se dérouler, et qu'il ne trouvera pas plus de temps dans le futur qu'à l'instant présent.
Peut-être que cette lecture tombait à pic dans ma vie surchargée, mais cette envie de se trouver du temps, de se dégager de ses obligations, de pouvoir vivre pour soi a résonné en moi. A mon échelle bien sûr, je n'ai pas les responsabilités de Walker (ni ses revenus, dommage...), mais c'est sur que parfois j'aimerais aussi pouvoir tout lâcher....
Cela dit, ce qui pourrait paraître simple ne l'est pas tant que ça, parce que Walker veut changer de vie, mais sans faire souffrir les siens: ce n'est pas qu'il ne les aime plus, c'est qu'il veut vivre libre. D'où l'idée de disparaître, pour qu'ils n'aient pas l'impression d'être rejetés.
Au travers des pages, on le voit d'abord jouer avec l'idée, puis progressivement mettre en application ses idées, avant de franchir le pas le jour où l'opportunité se présente à lui.
Mais tout ne va pas se passer comme prévu, et l'irruption de Sheperd dans le jeu va perturber la belle organisation de Walker.
Début alors une chasse à l'homme qui ressemble à une partie d'échecs entre deux grands maîtres: chacun tente de pénétrer dans le cerveau de son adversaire, pour prendre l'avantage et gagner!
Entre les voix de ces deux hommes, le chasseur et la proie, s'intercale la parole de Sarah, qui passe en un éclair d'épouse à veuve, avant de redevenir une épouse, mais une épouse bafouée que son mari a abandonnée. Sarah cherche à protéger ses enfants, d'abord de la souffrance de la perte, ensuite de la souffrance de l'abandon. Elle est donc contrainte de simuler et dissimuler, pour être l'unique témoin de cette fuite. Sa collaboration avec Nick Sheperd va lui permettre de comprendre les motivations de Walker, les raisons de ce choix qu'il a fait.
On aborde dans ce roman les difficultés de communication dans un couple, les biais que nous introduisons dans les échanges avec ceux qui partagent nos vies, et qui conduisent à des incompréhensions parfois profondes. Comment accepter que l'homme qui partage votre vie depuis tant d'années s'en aille sans dire un mot, préfère disparaître que d'expliquer pourquoi il part? Sarah se retrouve à douter de tout ce qu'elle a vécu, à se demander si rien de leur passé commun n'était "réel", sans personne à qui le demander.
Ce livre m'a aussi interpellé sur les choix que l'on peut faire, les priorités qui sont données par chacun: Walker en décidant de ne pas blesser sa famille par un abandon qui aurait valeur de rejet préfère simuler sa mort, en se privant lui aussi de passer du temps avec ses enfants, de les voir grandir, alors qu'il les aime. Son besoin de liberté est plus fort que ce qu'il a construit, que ceux qu'il aime. Est-ce admirable d'accepter de renoncer aux autres pour "alléger" leur souffrance et leur culpabilité? N'est-ce pas de la lâcheté, la peur d'affronter le regard de ceux qu'on fait souffrir?
Je ne pense pas que je serais capable, comme Walker, de tout abandonner, mon coeur de mère ne vivrait plus, même si je voudrais être capable, comme lui, d'enfin prendre du temps pour moi, pour ne pas m'effacer derrière toutes mes obligations, choisies ou non. Peut-être d'ailleurs pour éviter un jour de vouloir tout lâcher!