jeudi 26 novembre 2015

Lecture: Crème anglaise


Trouvé au hasard des rayons dans la bibliothèque, ce roman m'a paru parfait pour une nouvelle participation à l'année anglaise de Titine.

Résumé:"Géant de la littérature recherche jeune homme pour pousser sa chaise à roues. Logé, nourri, chambre individuelle à Hampstead, environnement culturel passionnant. Salaire modeste. Idéal année sabbatique." Du fin fond de son Écosse natale, le jeune et naïf Struan est tenté, ébloui, effrayé. Mais il se lance. Et va tomber dans une véritable maison de fous. Suite à une attaque, Philip Prys, l'autoproclamé "géant de la littérature" enrage à l'intérieur de son propre corps, coincé, prisonnier, il fait les cent pas dans son cerveau, les seuls moments désormais où il trouvera un peu de paix seront les baignades que Struan lui offrira. Rien à attendre ni de ses enfants, ni de son ex-femme, ni même de sa jeune épouse. Les premiers vivent leurs vies superficielles et tourmentées d'adolescents délaissés par leurs parents, la deuxième n'attend qu'une chose, qu'il meure, pour qu'elle hérite, quant à la troisième, à sa manière gracieuse et tranquille, elle goûte une certaine revanche, celle de la femme trophée libérée de ses obligations par un heureux hasard. Au service du roi des misanthropes, en plein été 1989, Struan découvre Londres, la ville, le bouillonnement culturel dont il rêvait et ce milieu, qu'il n'imaginait pas ainsi. Tandis que le monde change d'ère, Struan lui perd son innocence et apprend: le règne des faux-semblants et de l'hypocrisie, les familles délitées, les limites de la gentillesse et celles du talent

Sur le papier, il avait l'air tentant ce roman, mais j'ai été très déçue. Pourtant, Struan avait tout pour faire un bon héros, jeune homme brillant, dévoué, prêt à aider un homme à la fois pour sa vie quotidienne, mais aussi pour retrouver sa famille, mais au final la mayonnaise (ou la crème anglaise!!!) ne prend pas. Je n'ai pas trouvé de cohérence au roman, on a une accumulation de personnages trop caricaturaux, entre l'auteur égoïste qui se retrouve coincé dans son corps à la merci des autres, l'ex-femme intéressée qui ne cherche qu'à récupérer la maison et l'argent, les enfants qui partent en vrille..., qui semblent mis côte à côte sans véritable construction, sans véritable raison, ce qui m'a laissée perplexe sur la finalité du roman, sur ce que l'auteur cherchait à nous dire: on aurait pu être dans de la chick-litt (ce qui m'aurait bien convenu en cette période où j'ai plutôt besoin de lecture facile), mais ce n'est pas le cas, mais il n'y a pas non plus vraiment de "morale" qui permettrait d'y voir plutôt un roman qui fait réfléchir.

Au final, une lecture décevante, ce qui correspond à l'avis de Malice pour le mois anglais (que je n'avais pas lu, mais que j'ai trouvé après coup...dommage)!

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 Nouvelle participation à A year in England!




mercredi 25 novembre 2015

Lecture: Retour à Little Wing


Ce roman, je l'ai offert à ma mère pour son anniversaire, parce que je l'avais trouvé dans les non-pépites de 2014-2015 de Galéa, et qu'il était recommandé par la librairie où je cherchais mon bonheur (enfin surtout à ne pas acheter tous les rayons, puisque Mr Souris ne veut pas que j'achète de livres...)
Et comme d'habitude, j'ai profité de ce cadeau pour découvrir un nouveau roman, puisque j'ai pu l'emprunter derrière (bien plus vite qu'à la bibliothèque!). Dans ce cas, je vais même pouvoir le garder, mon père ayant décidé de faire le tri par le vide dans les bibliothèques de ma mère, et que j'ai sauvé de la poubelle 2 énormes sacs de livres, dont certains seront donnés à des associations, et d'autres resteront pour mon plus grand plaisir dans mes étagères ;-)

Résumé: « Ces hommes qui sont tous nés dans le même hôpital, qui ont grandi ensemble, fréquenté les mêmes filles, respiré le même air. Ils ont développé une langue à eux, comme des bêtes sauvages. » Ils étaient quatre. Inséparables, du moins le pensaient-ils. Arrivés à l’âge adulte, ils ont pris des chemins différents. Certains sont partis loin, d’autres sont restés. Ils sont devenus fermier, rock star, courtier et champion de rodéo. Une chose les unit encore : l’attachement indéfectible à leur ville natale, Little Wing, et à sa communauté. Aujourd’hui, l’heure des retrouvailles a sonné. Pour ces jeunes trentenaires, c’est aussi celle des bilans, de la nostalgie, du doute…



Sur la forme d'abord, j'ai beaucoup aimé l'alternance des narrateurs, permettant l'alternance des points de vue sur une histoire commune, en fonction des histoires personnelles, des sensibilités des personnages. Cette histoire à plusieurs voix parfois accordées, et parfois dissonantes, renforce l'impact de l'histoire en elle-même en lui donnant corps.

Sur le fond, ce roman parle d'amitié, et de l'attachement de ces hommes et ces femmes à leur terre natale, attachement viscéral qui les ramène tous vers cette ville où ils ont grandi.
L'amitié, c'est un sujet qui me touche, peut-être parce que j'ai un rapport compliqué avec ça: je n'ai pas d'amis d'enfance, je n'en ai gardé aucun, il me reste une amie de la période collège/lycée, que je vois de temps en temps, et des années prépas et école, des groupes d'amis souvent loin avec qui je communique par mail, par téléphone de temps en temps, et que je suis contente de retrouver malgré nos chemins qui s'écartent avec le temps. J'ai aussi des amis au boulot, ou que je me suis fait dans le quartier avec les enfants, mais ce n'est pas la même chose, c'est une amitié plus superficielle, une amitié de circonstance, de celles qui ne dureront pas toute une vie. Et puis enfin il y a mes amies bloggueuses, celles que je ne connais pas, mais qui me connaissent peut-être mieux que ceux qui m'entourent, celles que j'espère un jour croiser, tout en appréhendant que la rencontre ne soit pas à la hauteur de ce qu'on en attendait...
Vous comprendrez que pour quelqu'un comme moi, qui vit ses amitiés par mail interposé, une histoire d'amitié véritable, forte, de celles qui dépassent les trahisons et les aléas du destin, ça ne pouvait que me plaire. D'autant que cette amitié n'est pas sans faille: au fur et à mesure du récit, on découvre les tensions, les jalousies, les trahisons. Cette amitié se fissure, les liens se distendent presque à se rompre, mais au final, elle tient. Et j'ai aimé justement que les personnages s'en veuillent pour des faits vieux de 10 ans, qu'ils se fâchent pour des non-dits, et se réconcilient dans les galères, parce qu'on ne reste pas dans le monde des bisounours (même si ça finit bien), mais dans une amitié vraie, une qui n'est pas exempte d'obstacles, mais qui les surmonte.

A la base de ce roman, il y a les quatre amis d'enfance, Hank, Lee, Kip et Ronny, et Beth, la fille du groupe, qui a épousé Hank, mais qui dans sa jeunesse avait craqué sur Lee. Et je dois avouer que ça m'a un peu fait penser à mon groupe de copains d'école d'ingé: beaucoup de garçons à la base, peu de filles, toutes des "pièces rapportées", d'abord de l'école (comme Beth est du coin), puis celles qui sont arrivées au fur et à mesure, d'horizons différents, et qui ont dû toutes, chacune à leur tour, faire face au groupe, à sa cohésion et à son "jugement". Un peu comme Félicia,, la femme de Kip, celle qui vient de la ville, l'étrangère, mais qui va finalement trouver une véritable place dans le groupe, en devenant une véritable amie pour Beth.
Ce roman fait donc un peu écho à ce que j'ai vécu, ça me le rend peut-être plus réel.

Mais le roman ne parle pas que de l'amitié, il nous parle aussi de l'attachement à sa terre natale: Little Wing, c'est l'Amérique profonde, celle des grands espaces, des petites villes, celle où la terre est la base de tout, et à travers son roman, Butler m'a donné envie de la découvrir. Et cette terre exerce un pouvoir sur ceux qui en viennent, comme l'illustrent Lee et Kip, partis pour faire carrière, mais qui reviennent vivre là d'où ils viennent, avec même pour Kip l'ambition de lui redonner de la vie, en y créant de l'activité.

Ce roman, en le lisant, m'a vraiment fait penser à un film. Nickolas Butler m'a transporté dans cette Amérique profonde, loin de l'agitation et de la modernité des villes. Les lieux, l'ambiance, les personnages, pour moi tout était aussi clair qu'une image sur grand écran (et je suis sure qu'il y a moyen de faire une superbe adaptation).

Au final, une jolie lecture simple et optimiste, une lecture qui fait du bien!

mardi 24 novembre 2015

Lecture: Amours

Nota: cet article avait été commencé juste avant les attentats du 13 novembre, et mis en stand-by parce que je n'avais pas le coeur à reprendre l'écriture. Du coup il sera certainement un peu décousu, je m'en excuse, mais c'est important pour moi d'aller au bout, parce que la vie ne doit pas s'arrêter à cause de ceux qui veulent nous priver de nos libertés.


On dit toujours jamais 2 sans 3, et je n'ai pas voulu faire mentir ce dicton pour la découverte des romans de Leonor de Récondo.
J'avais beaucoup aimé "Rêves Oubliés", un peu moins "Pietra Viva", je ne savais donc pas à quoi m'attendre avec ce roman.

Résumé: "L'amour est là où il ne devrait pas être, au deuxième étage de cette maison cossue, protégé par la pierre de tuffeau et ses ardoises trop bien alignées, protégé par cette pensée bourgeoise qui jusque-là les contraignaient et qui, maintenant, leur offre un écrin." Nous sommes en 1908. Léonor de Récondo choisit le huis clos d'une maison pour écrire un éblouissant roman sur l'épanouissement du sentiment amoureux le plus pur - et le plus inattendu. Victoire est mariée depuis cinq ans avec Anselme de Boisvaillant. Rien ne destinait cette jeune fille de son temps, précipitée dans un mariage arrangé avec un riche notaire et que les choses du sexe plongent dans l'effarement, à prendre en mains sa destinée. Surtout pas son trouble face à l'inévitable question de l'enfant qui ne vient pas. Sa détermination se montre pourtant sans faille lorsque la petite bonne de dix-sept ans, Céleste, tombe enceinte : cet enfant sera celui du couple, l'héritier Boisvaillant tant attendu. Comme elle l'a déjà fait dans le passé, la maison aux murs épais s'apprête à enfouir le secret de famille. Mais Victoire ne sait comment s'y prendre avec le nourrisson. Personne n'a le droit d'y toucher et Anselme est prié de s'installer sur un lit de camp dans son étude. Le petit Adrien dépérit dans le couffin glissé sous le piano dont sa mère, qui a bien du mal à s'inventer dans ce rôle, martèle inlassablement les touches. Céleste comprend ce qui se joue là, et décide de porter secours à l'enfant à qui elle a donné le jour. Quand une nuit Victoire s'éveille seule, ses pas la conduisent vers la chambre du deuxième étage... 

Il y a beaucoup de sujets dans ce roman: le couple, la maternité, l'amour, le tout sur fond de conventions sociales. Victoire est une jeune femme mariée sans amour, dans le cadre d'un mariage arrangé (basé sur une petite annonce...), comme beaucoup à cette époque. Elle ne sait rien des choses du sexe, là encore, comme beaucoup de jeunes femmes de son milieu au début du XXème siècle, et vit très mal les assauts de son mari. Le terme "devoir conjugal" prend ici tout son sens, ce qui va précipiter son mari dans le lit de la bonne, quand sa femme ne lui ouvre pas son lit.
Et bien sûr, le hasard faisant mal les choses, l'enfant attendu par la famille n'arrive pas chez l'épouse légitime mais chez la bonne!

Et c'est là que le roman bascule, comme la vie de Victoire: cette jeune femme effacée va prendre son destin en main, profiter de la situation pour obtenir ce que la vie lui refuse, et gagner même plus que ce qu'elle espérait.
A travers cette maternité par procuration, Léonor de Récondo nous parle de la maternité et du rapport à l'enfant. Céleste est la mère biologique d'Adrien, mais dès le départ elle sait qu'elle ne peut pas le garder, qu'elle ne peut pas l'aimer. Elle ne s'autorise pas à accepter sa grossesse, jusqu'à ce que le marché soit conclu avec Victoire et Anselme. Marché qui n'est d'ailleurs conclu que par la force du destin, car il est trop tard pour interrompre la grossesse, solution initialement envisagée, et dont on découvre d'ailleurs qu'elle est monnaie courante chez les domestiques de la famille. L'enfant lui est enlevé dès la naissance, mais son instinct maternel se réveille quand elle constate que son bébé se laisse mourir, qu'il a besoin d'elle, de son amour. Cette notion d'instinct maternel, ça m'a longtemps perturbée, parce que je pensais que c'était justement instinctif, et que ça déboulait à la naissance des enfants, et que pour moi, ça ne s'est pas passé comme ça. Peut-être parce qu'avec la césarienne, je n'ai pas senti le passage des enfants de moi vers le monde extérieur, me faisant presque douter que ce soient les miens, peut-être parce que j'étais épuisée, perdue, déboussolée par les hormones, la fatigue, les doutes....Du coup, je n'ai pas vraiment ressenti au départ cet instinct maternel, cet amour incommensurable pour eux (et pourtant, de l'amour, j'en ai ressenti). Et puis il y a eu la première maladie de mon fils, à 3 semaines, et ce choc, cette douleur, celle de ne pas pouvoir le protéger alors que je donnerai tout pour leur éviter le  moindre problème, cet instinct de louve qui s'éveille dès qu'on touche à mes enfants, cette peur de les voir souffrir, cette souffrance de ne pouvoir les protéger de tout... C'est un peu ça que j'ai retrouvé avec Céleste, qui se découvre mère devant la souffrance de son enfant.
En parallèle, on a Victoire, qui retourne la situation à son avantage, mais qui finalement n'y était pas prête: elle ne peut avoir d'enfants, son mari en a fait à la bonne, autant en profiter pour satisfaire les conventions sociales, mais elle ne sait pas comment aimer cet enfant que le hasard lui apporte. Elle est perdue, se réfugie dans la musique, pensant offrir à son fils ce dont il a besoin, mais ne lui offrant pas l'amour qui lui permet de vivre. Et cet amour, elle va apprendre à le donner quand elle va être aimée, car finalement comment donner ce qu'on ne connaît pas?

L'amour, c'est Céleste qui l'apporte dans cette histoire: amour maternel, amour charnel, mais aussi amour absolu. Céleste va offrir l'amour à Victoire, ouvrir les portes de son coeur pour accueillir son fils, et par amour elle fera le plus grand sacrifice, pour laisser un avenir à son fils, mais aussi à Victoire.
Je l'ai trouvé émouvante cette jeune fille qui ne connaît rien à la vie, mais qui a l'intelligence du coeur.

Enfin, on a le poids de la société, les conventions sociales, celles qui pèsent sur la vie quotidienne, briment les élans du coeur, et génèrent des secrets de famille qui pèsent de génération en génération, laissant les gens enfermés dans des histoires sans joie et sans amour, "parce que ça se fait".

Si je n'ai pas autant aimé ce roman que "Rêves oubliés", il m'a plus parlé que "Pietra Viva", car il a fait vibrer des cordes sensibles chez moi, et qu'encore une fois la belle écriture de Leonor de Recondo sert admirablement son récit tout en finesse.

mercredi 4 novembre 2015

Lecture: Le liseur du 6h27


Il est des livres qui vous attirent et vous retiennent, des livres qu'on découvre au hasard des bibliothèques et qui vous emportent. Ce roman de Jean-Paul Didierlaurent en fait partie, petit instant de bonheur distillé par ces pages qui se dévorent à toute vitesse.

Résumé: Employé discret, Guylain Vignolles travaille au pilon, au service d'une redoutable broyeuse de livres invendus, la Zerstor 500. Il mène une existence maussade mais chaque matin en allant travailler, il lit aux passagers du RER de 6 h 27 les feuillets sauvés la veille des dents de fer de la machine. Dans des décors familiers transformés par la magie de personnages hauts en couleurs, voici un magnifique conte moderne, drôle, poétique et généreux : un de ces livres qu'on rencontre rarement.

Le héros de ce roman, c'est un homme, obligé pour vivre de détruire des livres, et qui tente jour après jour de sauver ce qui peut l'être du ventre du monstre qu'il nourrit chaque jour. Et ce qu'il sauve, il le lit dans le RER, tous les matins, pages sans suite et sans cohérences, mais instants volés qu'on aimerait vivre dans nos trajets quotidiens, petites bribes d'évasion distillées au hasard de sa pêche.

Autour de cet homme, il y a l'ancien collègue, qui collectionne les livres pour retrouver ses jambes, il y a les mamies qui lui demandent de venir leur faire la lecture, il y a le gardien de l'usine, qui déclame des alexandrins et vit dans les tragédies. La lecture, les livres, fils conducteurs dans la vie de Guylain Vignolles, qui lui permettent de tisser des liens avec ceux qu'il croise. Et j'ai beaucoup aimé ces rencontres au fil des pages, ce que Guylain offre aux inconnus qui voyagent avec lui, et l'idée que la lecture permet de nouer ces liens et de redonner sens à des vies.

Et puis il y a Julie, l'inconnue du RER, celle qui a perdu la clé USB qui contient ses pensées, que Guylain va découvrir et faire découvrir au lieu des pages sauvées. Et c'est une belle leçon de vie qu'on reçoit avec ses écrits: Julie est dame pipi, réduite par les stéréotypes à lire la presse people et à faire des mots croisés, alors qu'elle nous livre au travers de ses récits des anecdotes truculentes sur sa vie de tous les jours, sur les comportements pas toujours corrects qu'elle doit subir, sur la philosophie inspirée de sa tante, mais aussi sur sa condition de jeune femme célibataire. Je dois avouer que le récit du speed-dating m'a bien fait rire, je pense que malheureusement les situations décrites doivent arriver bien souvent!

Je suis sortie de la lecture de ce roman de bonne humeur, il m'a un peu fait penser à "Ensemble, c'est tout", d'Anna Gavalda: les personnages sont des gens ordinaires, mais qui par leurs actes finissent par embellir le quotidien, à donner de l'espoir. Et il faut avouer que parfois ça fait du bien d'avoir dans une lecture le bon côté de l'être humain, de fermer le livre en ayant un sourire dans la tête, alors en cette période où le temps et l'actualité sont bien gris, n'hésitez pas à plonger dans cette jolie histoire qui fait du bien!

mardi 3 novembre 2015

Lecture: Le manoir de Tyneford


Encore un très bon conseil de Galéa, reçus à la bibliothèque en même temps que les aventures de Maisie Dobbs.

Résumé: Au printemps 1938, l'Autriche n'est plus un havre de paix pour les juifs. Elise Landau, jeune fille de la bourgeoisie viennoise, est contrainte à l'exil. Elle ne sait rien de l'Angleterre, si ce n'est qu'elle ne s'y plaira pas. Tandis que sa famille attend un improbable visa pour l'Amérique, elle devient domestique dans une grande propriété du Dorset, c'est elle désormais qui polit l'argenterie et sert à table. Au début, tout lui paraît étranger. Elle se fait discrète, dissimule les perles de sa mère sous son uniforme, tait l'humiliation du racisme, du déclassement, l'inquiétude pour les siens et ne parle pas du manuscrit que son père, écrivain de renom, a caché dans son alto. Mais la guerre gronde, le monde change et Elise l'insouciante est forcée de changer à son tour. Elle s'attache aux lieux, s'ouvre aux autres, se fait aimer et provoque même un scandale en dansant avec le fils du maître des lieux lors d'une soirée inoubliable au manoir. Il y a quelque chose d'enchanteur à Tyneford. Elise y apprendra qu'on peut vivre plus d'une vie et que l'on peut aimer plus d'une fois.

En tant que grande fan de Downton Abbey, je ne pouvais que me plaire à Tyneford: le majordome, l'étiquette, les femmes de chambres qui s'agitent dès l'aube, et ne doivent pas sortir de leur rang, l'ambiance de ces vieilles demeures anglaises à l'aube d'un monde qui va disparaître. Parce que comme dans DA, Tyneford voit avec la guerre son destin basculer. Les mentalités changent, les vieilles traditions s'effacent, pour laisser place à d'autres façons de vivre.

Mais la guerre n'a pas bouleversé que le destin de ces vieilles familles anglaises: au travers d'Elise, c'est le destin des juifs en Autriche et en Europe qui est évoqué: la vente des biens familiaux, l'interdiction d'exercer, la nécessité de fuir, quitte à devoir, comme Elise, se mettre à travailler, apprendre à servir comme elle a été servie. Familles dispersées, espoir de revoir un jour les siens, attente insupportable de nouvelles, sans savoir si un jour la vie permettra de retrouver ceux qu'ils ont perdus, Elise vit ce que tant de personnes ont vécu.

Elise n'est pas qu'une jeune juive exilée en Angleterre. C'est aussi la grosse de la famille, celle qui ne réussit pas en musique, celle qui n'a pas de dons artistiques, celle qui va ensuite se retrouver domestique malgré son éducation et son milieu, et qui aura du mal à trouver sa place, amoureuse du fils de la maison auquel son origine pourrait lui prétendre de rêver, mais qui n'est plus à son niveau en Angleterre. Elle va devoir subir le mépris des relations des Rivers, s'accrocher à ses rêves, les voir s'effondrer avant de pouvoir rebâtir. Peut-être que le fait d'être le vilain petit canard de ma famille, la moins douée au piano, la moins brillante dans les études, la seule à galérer à avoir des enfants m'a permis de me mettre à la place de cette jeune femme qui va apprendre à construire sa vie et à croire en elle.

Encore une vraie belle lecture, que je recommande sans hésiter!

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Nouvelle participation à "A year in England"

lundi 2 novembre 2015

Lecture: L'île des oubliés

 

Conseil d'une collègue et amie, j'ai emprunté lors de mon dernier passage à la bibliothèque le premier roman de Victoria Hislop, dont j'ai découvert qu'elle était anglaise, ce qui me permet du même coup une nouvelle participation à "A year in England".

Résumé: L’été s’achève à Plaka, un village sur la côte nord de la Crète. Alexis, une jeune Anglaise diplômée d’archéologie, a choisi de s’y rendre parce que c’est là que sa mère est née et a vécu jusqu’à ses dix-huit ans. Une terrible découverte attend Alexis qui ignore tout de l’histoire de sa famille : de 1903 à 1957, Spinalonga, l’île qui fait face à Plaka et ressemble tant à un animal alangui allongé sur le dos, était une colonie de lépreux... et son arrière-grand-mère y aurait péri. Quels mystères effrayants recèle cette île que surplombent les ruines d’une forteresse vénitienne ? Pourquoi, Sophia, la mère d'Alexis, a-t-elle si violemment rompu avec son passé ? La jeune femme est bien décidée à lever le voile sur la déchirante destinée de ses aïeules et sur leurs sombres secrets...

 J'ai beaucoup aimé ce livre, dévoré en un aller-retour Paris/Marseille en avion (il faut bien que les déplacements professionnels aient leurs points positifs!).

 Ce roman, c'est d'abord l'histoire d'une famille, celle d'Alexis, qu'elle découvre adulte, pendant ses vacances dans le pays qui a vu naître sa mère. Sophia n'a jamais parlé à sa fille de sa famille, seule une photo sur sa table de chevet témoigne de son passé, et Alexis n'a jamais osé questionner sa mère. Et c'est au travers du récit de Fotini, une amie de la famille, que le voile est levé sur les origines de Sophia, et  donc celles d'Alexis.

Mais au-delà de la saga familiale, c'est aussi l'histoire des lépreux de Spinalonga, ces femmes et ces hommes contraints à l'isolement, rejetés par l'ignorance de leurs concitoyens, et qui, loin de ce qu'on pourrait imaginer, se reconstruisent une vie afin de vivre malgré la maladie: pour que la maladie ne conduise pas à une vie dans la déchéance, l'isolement et le malheur, de femmes et des hommes décident de tout faire pour que Spinalonga soit une ville "comme les autres", où les malades peuvent finir leur vie dans la dignité, d'autant que contrairement aux idées reçues, certains d'entre eux survivent à cette maladie, atteints par des formes moins virulentes de la lèpre. Et ils vont tenir jusqu'à ce qu'on trouve un vaccin, qui permettra à ceux qui restent de retrouver une vie "normale" sur le continent.

Au cœur de ce roman, Anna et Maria, les deux soeurs qui sont privées de leur mère à cause de la lèpre, et qui à partir de cet évènement vont avoir deux destins totalement différents: Anna, qui veut absolument sortir de sa condition, et qui fait passer son plaisir avant tout, au point de laisser derrière elle sa famille, quels que soient les malheurs qui s'abattent sur elle; et Maria, celle qui sacrifie tout pour sa famille, mais qui va subir elle aussi les revers du destin.
A travers ces deux femmes, et tout leur entourage, c'est la réaction des hommes face aux malheurs et aux épreuves de la vie qui est évoquée, avec ceux qui fuient, et ceux qui affrontent.

Au final, une très belle lecture, que je vous recommande!

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Même si c'est une lecture d'octobre, ce roman est ma première participation de novembre pour "A year in England"

mercredi 28 octobre 2015

Lecture: Maisie Dobbs


Au menu du jour, non pas un, mais deux romans, deux tomes des aventures de Maisie Dobbs, de Jacqueline Winspear, découverte grâce à ma conseillère littéraire personnelle, je veux bien sûr parler de Galéa.

J'avais suite à la lecture de ce post commandé le roman à la bibliothèque, et j'ai eu l'excellente surprise de voir arriver les 2 volumes de ses aventures (je ne savais même pas qu'il y en avait un deuxième).


Résumé: Londres, 1929. Maisie Dobbs monte sa propre agence de détective privé. Un métier peu commun pour une jeune femme.
Mais cette fille d’un modeste marchand de quatre saisons n’est pas comme les autres. Placée comme domestique dans une demeure aristocratique de Belgravia, elle réussit à intégrer le prestigieux Girton College  de Cambridge, au prix d’un travail acharné.
Mais, quand survient la Grande Guerre, elle n’hésite pas à endosser l’uniforme d’infirmière, quitte à voir tous ses espoirs disparaître dans le sang et la boue des champs de bataille français.
Sa première affaire la replonge justement dans les années sombres de la guerre et elle va devoir affronter les fantômes qui la hantent depuis plus de dix ans.



Résumé: Londres, 1930. Maisie Dobbs – une jeune détective privée – est contactée par Joseph Waite, un puissant homme d’affaires, dur mais respecté, admiré aussi pour son action en faveur des plus démunis, l’Angleterre se trouvant alors en pleine crise économique. Sa fille, Charlotte, s’est enfuie de la maison mais, par peurdu scandale, Waite ne veut pas faire appel à la police. Au fil de ses recherches, Maisie va être confrontée à trois curieuses affaires de meurtres, qui ne sont pas sans lien avec la disparition de Charlotte puisque les victimes étaient ses amies les plus proches. Une fois encore,Maisie se retrouve plongée dans les horreurs de la Première Guerre mondiale… et dans son propre passé.


J'ai beaucoup aimé cette héroïne d'un nouveau genre, jeune femme d'une intelligence incroyable (elle me fait un peu penser à Sherlock Holmes), qui a su d'élever grâce à cette intelligence et le soutien des gens qui l'entouraient, son père d'abord, ses employeurs ensuite, et qui choisit un métier bien peu féminin, pour l'exercer avec finesse. Elle est le reflet de son époque, l'entre-deux guerres, "vieille fille" de circonstance (si l'on peut dire, puisqu'elle n'a que 30 ans, tout est une question d'époque), comme bien des femmes elle a perdu l'homme qu'elle aimait au front, et à travers elle on passe de la cuisine d'une famille aristocratique (avec toutes les images de Downton Abbey qui remontent immédiatement) à la vie en Angleterre après guerre, en passant par l'université de jeunes filles ou la boue du front en France.

J'ai aimé cette femme qui ose, qui prend son destin en main, mais qui malgré son caractère et sa volonté de fer reste une femme qui a souffert, une femme qui a un passé, et qui doit apprendre, comme ses compatriotes, à elle aussi affronter et vivre avec ce passé. Apprendre à dépasser les anciennes blessures, à apprivoiser la douleur pour ne plus la subir, c'est ce que Maisie et ceux qui l'entourent doivent faire.

Autour de Maisie gravitent des personnages attachants, ceux qui l'ont accompagnés dans son évolution, et ceux qu'elle rencontre au gré de ses aventures, en particulier son mentor Maurice Blanche, qui lui a tout appris, et son assistant, Billy. Jacqueline Winspear recrée là le modèle du duo d'enquêteurs, comme Holmes et Watson, ou Poirot et Hastings, en ajoutant la relation entre le détective et la police qu'on retrouve dans les romans de Conan Doyle, ou dans ceux d'Agatha Christie.

La recette fonctionne, ces deux romans sont faciles et agréables à  lire, bien ficelés malgré des énigmes un peu simples (même moi j'ai réussi à trouver avant la fin...), et si chaque enquête est indépendante de la précédente, on a en fil rouge la vie de Maisie, et la fin du deuxième tome a attisé ma curiosité sur la suite de ses aventures (il y a un peu de romance dans l'air....). J'espère qu'il y aura rapidement des traductions des tomes suivants (appel aux personnes compétentes!!!), je n'aime pas du tout lire en anglais, et j'ai bien envie de découvrir la suite!!!!

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Nouvelle participation pour "A year in England"

mardi 27 octobre 2015

Imitation Game



Pas de lecture pour la chronique du jour, mais un film, sorti en début d'année, mais que je n'ai vu que ce week-end.

Synopsis: 1940 : Alan Turing, mathématicien, cryptologue, est chargé par le gouvernement Britannique de percer le secret de la célèbre machine de cryptage allemande Enigma, réputée inviolable. 


La base du film, c'est bien sûr l'invention de la machine qui décrypta Enigma, mais ce qui en fait la force, ce sont les personnages, et les liens entre eux. Liens sociaux d'abord, que Turing, malgré son génie, ne sait pas nouer avec les autres, et ce dès son plus jeune âge. Il est suprêmement intelligent, mais il est incapable de travailler en équipe, n'hésitant pas à court-circuiter son supérieur hiérarchique pour obtenir ce qu'il veut, ou à renvoyer de façon humiliante les membres de l'équipe qu'il juge insuffisants. Même hors du cadre du travail, il est incapable de s'adapter aux relations sociales, au point que ses amis sont obligés de lui donner des coups de pied pour l'empêcher de ruiner une tentative de flirt d'un de ses collègues.
Liens de pouvoir ensuite, malgré son intelligence, Alan Turing est démuni face au chantage et aux jeux de pouvoir,  ce qui le contraint à des choix difficiles.

Le film s'imprègne aussi des conventions sociales l'époque: la place de la femme dans la société sur le plan professionnel (avec la scène grandiose de l'arrivée de Joan Clarke (Keira Knightley) à l'examen proposé par Turing, et qu'on veut renvoyer à l'étage des secrétaires), et sur le plan personnel (avec l'impossibilité de travailler avec des hommes, et l'exigence du mariage pour vivre loin de chez ses parents); le rejet de l'homosexualité associée à une maladie qu'on traite à coup de médicaments.
Et puis il y a la question de la responsabilité, et des choix à effectuer quand on a le pouvoir de le faire: choisir de sacrifier quelques uns pour sauver le plus grand nombre.

Enfin, l'atout majeur de ce film, c'est Benedict Cumberbatch, l'interprète d'Alan Turing. Je l'avais déjà beaucoup aimé dans son interprétation de Sherlock Holmes, et son interprétation d'Alan Turing m'a convaincue. Il colle parfaitement au personnage, on ressent à travers lui la solitude de son personnage, son incapacité à vivre normalement, en bonne intelligence avec les autres. Il est un génie torturé profondément seul, et pourtant capable de se sacrifier pour protéger ceux à qui il tient, il souffre de sa différence sans pouvoir y remédier. La fin est incroyablement poignante (même si je  ne sais pas si elle reflète la réalité de son histoire), déchéance d'un génie qui refuse d'abandonner la seule chose qui compte pour lui: sa machine.

Au final, un très bon moment de cinéma!

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3ème participation d'octobre à "A year in England"!

samedi 24 octobre 2015

Lecture: Un jour par la forêt


Avec une semaine de retard, parce qu'une formation durant toute une semaine ne m'a pas laissé le temps de me poser, quelques mots sur un livre emprunté par hasard à la bibliothèque - je pense que j'ai au moins été orientée sur l'auteur par un conseil blogguesque, mais je n'arrive pas à retrouver lequel, ça doit être la fatigue de cette semaine!

Résumé: Ce matin-là, Sabine, onze ans, fait l'école buissonnière.
Que fuit-elle vraiment ? Est-ce la perspective d'un rendez-vous fixé entre sa mère, dont elle a honte, et son professeur de français, excédée par son attitude en classe, ou l'idée plus confuse qu'elle n'a pas sa place au lycée ?
Mais au cours de sa journée vagabonde, dans ce Paris qu'elle découvre, bien des choses vont changer. Le hasard d'une rencontre lui révélera le trésor qu'elle porte en elle.


J'ai trouvé ce roman extrêmement touchant. A travers l'histoire de Sabine, il traite de plusieurs sujets qui font réfléchir: le regard qu'un enfant porte sur ses parents, la diversité à l'école et l'égalité des chances, la transmission du savoir par les professeurs, et aussi, et surtout, une invitation à découvrir la poésie.

La mère de Sabine est femme de ménage, "agent technique" comme doit l'écrire Sabine sur les fiches de renseignements au début d'année. Elle élève seule sa fille, elle travaille toute la journée, mais Sabine a honte d'elle. Elle l'aime, mais elle ne veut pas qu'on la voit à l'école, car elle sent bien que sa mère ne correspond pas à ce que connaissent ses professeurs et ses camarades. Le regard de l'autre, le jugement de l'autre, dès notre plus jeune âge, nous y sommes sensibles, et, comme Sabine, cela conditionne nos actes et nos choix.

Sa mère est femme de ménage, et elle a voulu le meilleur pour sa fille, qui n'a pas intégré le collège du quartier, mais le bon collège situé plus loin, parce que Sabine, qui était bonne élève en primaire, est toutes les chances pour elle. La fillette fait donc partie des élèves intégrés pour l'égalité des chances, mais elle est en décalage par rapport aux autres élèves, pas le même environnement, pas la même éducation, et le corps enseignant n'est pas forcément ouvert à accepter ces élèves différents.
J'ai eu l'immense chance de grandir dans une famille privilégiée, où la lecture et la "culture" faisait partie intégrante de mon éducation. Et j'essaye de donner cette chance à mes enfants, de leur faire découvrir la lecture, l'histoire, mais je sais que ce n'est pas donné à tout le monde. Cette égalité des chances est un vrai sujet d'actualité, l'accompagnement des enfants pour les devoirs à la maison (qui sont censés être interdits) est une partie du problème, mais ce n'est pas le seul. Et la souffrance de Sabine générée par ce décalage entre le monde dans lequel elle évolue pendant la journée et celui où elle rentre le soir est poignante. Au point de lui faire détester le mot "culture", et tout ce qu'y peut s'y rapporter.

La culture, le mot clé de la prof de français, celle qui tente d'expliquer la poésie à une classe de 5ème. Et là je suis repartie dans l'enfer des explications de texte, quand il fallait trouver les allitérations et les assonances pour essayer de trouver un sens à ce que l'auteur avait écrit. Où comment rendre totalement inaccessible l'univers de la poésie aux enfants. Je ne dis pas que c'est simple, je ne dis pas que je ferais mieux, et loin de moi l'idée d'émettre ici une critique des professeurs de français en général. Mais Marie Sizun pointe dans le roman la difficulté de cette femme qui doit expliquer un poème de Victor Hugo à sa classe, mais qui ne se met pas au niveau de ses élèves, les enfermant (en particulier Sabine) dans une case. Et elle propose à travers la rencontre de Sabine avec deux profs anglais, une prof de français et un prof de dessin, une autre approche de la poésie et de l'art, en mettant en comparaison les deux. Car Sabine est une artiste, elle est passionnée de dessin, et elle regarde le monde avec un regard de poète, remarquant les couleurs, les impressions, et tout ce qui échappe à notre regard pressé. Sa promenade dans le Bois de Vincennes est magique, on ressent avec elle les émotions qui la traversent.

Ce que vont lui offrir les deux Anglais rencontrés par un heureux hasard, c'est la découverte du même plaisir dans les mots que dans ce qu'elle voit. Ils lui font découvrir que la poésie est une autre forme de dessin, et qu'avec les mots les auteurs nous offrent tout un monde d'émotions et de couleurs.

Les personnages de ce roman sont attachants, extrêmement humains, et ils nous parlent, parce qu'ils sont proches de nous, qu'ils nous rappellent des personnes qu'on a connues, des personnes qu'on a croisées.

Un très beau roman, facile à lire mais qui nous interroge sur des sujets toujours d'actualité, et qui m'a donné envie de me replonger dans les poèmes de Victor Hugo!

dimanche 18 octobre 2015

Lecture: Le sermon sur la chute de Rome

Contrairement au Goncourt des lycéens qui m'a souvent servi de conseil littéraire, et dont je n'ai jamais été déçue, je n'ai que peu lu les Prix Goncourt (même si en balayant la liste j'en ai quand même trouvé quelques uns connus, dont de magnifiques lectures, comme "Le silence des Scorta", ou d'autres plus mitigées, comme "Alabama song", ou alors encore celui, prêté par un collègue, qui attend depuis des années dans ma table de nuit que j'ai le courage de dépasser les premières pages que j'ai lues, je veux parler des "Bienveillantes").
C'est donc avec intérêt que j'ai emprunté le roman de Ferrari pour découvrir un nouvel auteur récompensé par ce prix prestigieux.

Résumé: Dans un village corse perché loin de la côte, le bar local est en train de connaître une mutation profonde sous l’impulsion de ses nouveaux gérants. À la surprise générale, ces deux enfants du pays ont tourné le dos à de prometteuses études de philosophie sur le continent pour, fidèles aux enseignements de Leibniz, transformer un modeste débit de boissons en “meilleur des mondes possibles”. Mais c’est bientôt l’enfer en personne qui s’invite au comptoir, réactivant des blessures très anciennes ou conviant à d’irréversibles profanations des êtres assujettis à des rêves indigents de bonheur, et victimes, à leur insu, de la tragique propension de l’âme humaine à se corrompre.
Entrant, par-delà les siècles, en résonance avec le sermon par lequel saint Augustin tenta, à Hippone, de consoler ses fidèles de la fragilité des royaumes terrestres, Jérôme Ferrari jette, au fil d’une écriture somptueuse d’exigence, une lumière impitoyable sur la malédiction qui condamne les hommes à voir s’effondrer les mondes qu’ils édifient et à accomplir, ici-bas, leur part d’échec en refondant sans trêve, sur le sang ou les larmes, leurs impossibles mythologies.

 C'est en lisant ce genre de romans que je suis confortée dans l'idée que je ne serai jamais une grande critique littéraire. Certes, l'écriture est belle, et on est emporté dans ce monde créé par Ferrari, on sent venir la chute inéluctable bien plus que les protagonistes eux-mêmes, mais je n'ai pas été séduite par le roman en lui-même.

Ce roman nous raconte les vies de plusieurs générations d'une famille corse. Marcel d'abord, le grand-père, celui dont la vie est marquée par les "ratages successifs". Dès les premières pages du livre, on est plongés dans ce qui est le fondement de sa vie: l'absence. Marcel est l'enfant d'après-guerre, petit dernier d'une fratrie de 4 filles et 2 garçons. Dès sa naissance ses parents "s'assirent près de son berceau en posant sur lui un regard plein de nostalgie, comme s'ils l'avaient déjà perdu, et c'est ainsi qu'ils le regardèrent pendant toute son enfance". Enfant avec une mauvaise santé, il se bat pour aller à l'école, pour pouvoir sortir du monde dans lequel il est enfermé. Son service militaire, et son niveau d'études qui doit lui permettre d'être officier, lui semble le sésame pour enfin découvrir cet autre monde, mais la vie en décide autrement avec l'armisitice de 1940, qui met fin avant même son commencement à sa carrière militaire. Et même son engagement dans les forces françaises libres ne lui offre pas la vie qu'il souhaitait, il reste en retrait, et ne verra jamais un combat. Il part ensuite dans les colonies, laissant son frère lui choisir une épouse qui partira avec lui. Il l'aime mais il en a honte, et ne la "sortira" qu'une fois envoyé au fin fond d'une zone isolée. Son malheur le poursuit, malgré sa mauvaise santé, c'est sa femme qui va mourir après la naissance de leur fils, que Marcel va confier à sa soeur, précipitant le malheur de la génération suivante.

La génération suivante, c'est Jacques, qui va épouser sa cousine Claudie, malgré l'opposition de toute la famille, et qui mourra, contre l'ordre des choses, avant son père. Jacques et Claudie ne sont que des personnages secondaires du roman, transmetteurs de la malédiction de Marcel à la génération suivante, et révélateurs de ce qu'il adviendra.

Viennent ensuite Aurélie et Matthieu, les petits-enfants. Aurélie, c'est celle qui a finalement obtenu l'affection de son grand-père, contrairement à son frère qui restera l'objet de la malveillance de son grand-père. Aurélie, c'est le seul personnage vraiment attachant de ce roman. Elle est attachée à sa famille, elle a des valeurs, elle sera soutient de ses parents pendant l'épreuve de la maladie de son père, et elle sera aux côtés de son grand-père jusqu'à la fin. Elle est aussi le "Jimini criquet" de son frère, tentant en vain de le ramener dans le droit chemin de la famille et du travail, mais renonçant devant le refus de son frère de changer, incapable d'assumer sa vie.

Et puis il y a Matthieu, qui a arrêté ses études de philo pour partir tenir un bar dans le village de sa famille avec son ami d'enfance, celui qui se laisse porter par la facilité de la vie, qui s'invente des excuses pour ne pas affronter la réalité, ou pour l'adapter à ce qu'il veut. Il est spectateur, de sa vie et de ce qui l'entoure, au point le laisser son père mourir sans aller lui dire au revoir, de peur de perdre le monde parfait qu'il s'est construit, et d'assister à la destruction de ce monde sans rien dire ni rien faire, "immobile sous la lune". Il profite de ceux qui l'aiment, ses parents, sa soeur, et celle qui deviendra sa femme, qui l'excusent, et lui laissent la possibilité de fuir ses responsabilités, qui sont là quand il appelle à l'aide, quand lui ne le sera jamais pour eux.

Rien n'est lumineux dans ce roman, c'est effectivement une version moderne de la destruction par les hommes des empires qu'ils ont eux-mêmes bâtis, mais il n'y a pas la promesse d'espérance que portait le sermon d'Augustin, celui de la rédemption dans l'Amour de Dieu. Augustin parlait de la destruction par les hommes des empires humains, pour la gloire du Royaume de Dieu, alors que le monde construit par Ferrari se referme sur lui-même, sans espoir d'un avenir meilleur.

Peut-être faut-il être plus sensible à la philosophie que je ne le suis (j'ai eu 8 au bac pour vous situer mon niveau dans la matière) pour apprécier à sa juste valeur le roman de Ferrari, mais pour ma part, même si j'ai lu ce roman avec plaisir, je n'en garderai pas une trace indélébile, n'y voyant que le reflet des travers des hommes, vanité, égoïsme, facilité, mais sans l'espoir qu'en l'homme même si on trouve le pire il y a aussi le meilleur.

mercredi 14 octobre 2015

Lecture: La crique du Français

 Grâce à ma participation au "Mois Anglais", j'ai replongé le nez dans les romans de Daphné du Maurier. J'associais ces romans à des lectures "jeunes", probablement parce que je les ai découverts pendant mon adolescence (quand j'étais jeune et innocente ;-)), mais c'est avec grand plaisir que j'ai lu "L'amour dans l'âme", et ça m'a donné envie d'aller plus loin que les grands classiques de cet auteur.

J'ai donc emprunté "La crique du Français" à la bibliothèque, seul ouvrage disponible que je n'avais pas encore lu.

Résumé: Fuyant les mondanités londoniennes, Dona St. Columb, une jeune lady à la beauté fière et au caractère rebelle, s'est réfugiée au bord de la Manche dans sa résidence de Narvon. Là, elle rencontre l'homme qui saura la séduire : un pirate français du nom de Pierre Blanc. Mais l'impitoyable Lord Rockingham, qui la poursuit de ses assiduités, n'entend pas céder à un pareil rival. La chasse au Français commence, et avec elle un crescendo d'épisodes dramatiques...

Il faut avouer que ce roman avait tout pour me séduire: une jeune femme aventurière, un beau pirate français, le sujet de ce livre a fait remonter mes souvenirs d'enfance, celui de ces vacances en Angleterre avec mes cousines, pendant lesquelles nous nous inventions un roman d'aventure dont nous étions les héroïnes, 3 soeurs orphelines vivant en bord de mer, dont l'aînée (ma grande cousine) était une jeune femme sage et accomplie, raisonnable et responsable, la suivante (moi-même) était un garçon manqué passant sa vie sur un bateau (3 mâts bien sûr, nos aventures se déroulaient à l'époque où les bateaux avaient des gréements et où les mousses grimpaient dans les cordages), éperdument amoureuse du jeune capitaine de ce navire, et enfin la 3ème, plus jeune, rêvant de suivre les traces de sa soeur marin ;-)

Autant vous dire que je n'ai pas eu de mal à comprendre Dona, répondant à l'appel du large et de l'aventure, rêvant d'une vie aux côtés d'un homme libre, loin des conventions de son épôque.

Il y a dans ce roman un côté un peu fleur bleue, un peu "chick litt" (ça fait du bien de temps en temps), mais on a aussi au travers de la vie de Dona une réflexion sur la vie de l'époque, dans un milieu aisé et oisif, en particulier pour les femmes dont les choix peuvent faire ou défaire leurs réputations, et sur les choix que la vie nous impose: Dona n'est pas libre, elle est épouse d'abord (même si son mariage ne semble pas la combler), elle est mère, et ce rôle-là lui tient à coeur, et elle aura à choisir entre ce qu'elle était et ce qu'elle pourrait être. Parce que si on comprend qu'elle tirerait sans hésitation un trait sur son mariage, ses enfants sont un lien qu'il n'est pas si simple de couper.

Même si ce n'est pas pour moi le meilleur de Daphné du Maurier, j'ai lu avec plaisir ce roman qui nous entraîne dans une aventure pleine de rebondissements (pas toujours très vraisemblables, mais très plaisants).

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Nouvelle participation à "A year in England"

mardi 13 octobre 2015

Lecture: Les Anonymes

 
 
Parce que le dernier roman de R.J Ellory proposé dans les matches de la rentrée littéraire de PriceMinister me tentait, et en attendant de savoir si j'aurais la chance de le lire, j'ai découvert à la bibliothèque un autre titre de cet auteur, qui me permet en plus de valider une nouvelle participation à l'année anglaise de Titine, que j'ai un peu négligée ces derniers temps.
 
Résumé: Washington. Quatre meurtres aux modes opératoires identiques. La marque d’un serial killer de toute évidence. Une enquête presque classique donc pour l'inspecteur Miller. Jusqu'au moment où il découvre qu'une des victimes vivait sous une fausse identité. Qui était-elle réellement ? Et ce qui semblait être une affaire banale va conduire Miller jusqu'aux secrets les mieux gardés du gouvernement américain…
 
Ce roman même enquête policière et roman d'espionnage, nous plongeant dans les arcanes des services secrets américains (ou dans ses bas-fonds si on y réfléchit bien).
 
Côté policier, l'enquête est menée par l'inspecteur Miller, un flic cabossé comme je les aime, portant son fardeau au travers de ses enquêtes. Il a été marqué par des attaques portées sur son travail, mais il est animé par la volonté de rendre justice aux victimes, même au point de mettre sa vie en péril...ou de franchir des lignes blanches vers le point de non-retour. Car une enquête qui n'était au départ qu'une chasse au tueur en série se transforme quand la police découvre que les victimes ne sont pas ce qu'elles paraissent être...
 
En parallèle, on plonge dans le monde des services secrets américains, plus précisément de la CIA, du recrutement des jeunes à la réalisation de leurs missions, en passant par leur "endoctrinement". Mais au travers de ce récit, et de la prise de conscience de certains agents, c'est une véritable critique du système qu'Ellory nous livre, un système pour lequel la fin justifie les moyens. Sous prétexte de protéger la nation, ce système lui fournit de quoi se tuer à petit feu, et toute personne se dressant devant ce monstre y laisse sa vie.
 
Ce roman nous parle finalement des choix que l'on fait pour atteindre nos buts, des lignes franchies à petite échelle, comme les "petites" infractions de Miller au règlement, ou à grande échelle, comme dans les choix effectués par ceux qui dans l'ombre dirigent le monde.
Je ne suis pas suffisamment experte en histoire et en géopolitique pour démêler ce qui est réel de ce qui relève de la fiction, mais il est clair que tout est parfaitement vraisemblant (et probablement vrai), et même si nous savons que le monde est dirigé par des pouvoirs qu'on ne voit pas, en particulier pour les intérêts et le profit de quelques uns, ce livre nous en montre un parfait exemple.
 
Mais il nous montre aussi que l'homme n'est pas que mauvais, et que même endoctriné, l'être humain est capable de prendre du recul sur la situation, et d'assumer ses erreurs, quel qu'en soit le prix. Chacun à sa mesure, Miller et Robey font preuve de courage pour faire triompher la vérité et la justice, et j'ai vraiment adhéré à ces deux personnages profondément humains.
 
Un beau pavé, mais une belle lecture, qui ne se contente pas d'être une bonne enquête policière, mais une réflexion sur le fonctionnement de notre monde.
 
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Nouvelle participation à "A year in England"

lundi 28 septembre 2015

Lecture: Meurtres à la pause-déjeuner

Encore un roman trouvé dans les présentoirs des nouveautés à la bibliothèque, le titre et le résumé m'ont donné envie de découvrir ce livre.

Résumé: La pause-déjeuner de Francesca se termine toujours avant le retour des 300 autres salariés de son entreprise. Cela lui permet d'éviter les rébarbatifs échanges avec ses collègues. Et aussi de profiter en toute quiétude des toilettes. Ce jour là, brosse à dents à la main, elle aperçoit deux pieds qui dépassent sous la porte des WC. Deux pieds qui, sans aucun doute, indiquent la présence d un cadavre. Deux pieds qui appartiennent à son insupportable collègue Marinella, laquelle gît, une corde autour du cou... D'autres meurtres se succèderont. Il paraît évident que l'assassin est dans les murs de ce que
l'on nomme désormais l'«Entreprise Homicides». Les syndicats s'en mêlent mais ne font pas beaucoup avancer l'enquête et l'affaire provoque un incroyable tourbillon médiatique. Tout en gérant une rupture amoureuse, Francesca essaye de comprendre quel est le mobile et l'identité du mystérieux serial killer, et jongle avec les hauts et les bas de la vie d'entreprise ...


Ce roman est à la fois un roman policier et une comédie acide sur la vie en entreprise, et sur la vie d'une jeune femme célibataire étouffée par ses parents. Relations entre collègues, incompétence au boulot, syndicalisme, délocalisation, tous ces sujets sont traités au travers du regard de Francesca, cette jeune femme larguée par son fiancé le jour du mariage, qui a du coup laissé tomber ses études, et qui reste à un poste qui ne l'enthousiasme pas car c'est un travail garanti, un CDI qui la protège. Elle voit passer dans son service des incompétents, atterrissant là parce qu'on ne sait pas où les mettre, et qui l'un après l'autre sont assassinés. L'enquête policière en elle-même sert plutôt de prétexte à l'analyse de la société et de ses rouages.
En parallèle, on a la relation de Francesca avec ses parents, sa mère qui s'enferme en regardant des séries policières pour juguler l'angoisse de voir sa fille tuée par le "serial killer", son père qui protège à la fois sa femme et sa fille, allant jusqu'à pousser sa fille à un speed dating pour la santé de sa mère! Speed dating qui donne d'ailleurs lieu à une description qui fait sourire, on s'y croirait, avec ces hommes autour de la quarantaine à la recherche de l'âme soeur (!!!), ou de cette jeune femme dont la mère vante le nombre de "touches" qu'elle fait!

Pas de grande littérature, mais un bon moment de lecture, qui fait sourire, qui rappelle aussi parfois des moments qu'on connaît, que ce soit dans la vie professionnelle ou personnelle. Une vraie lecture de dimanche!

dimanche 27 septembre 2015

Lecture: L'envol du papillon


Mis en avant sur les présentoirs de la bibliothèque ce roman fait partie de ma moisson du week-end. Il était présenté avec un flyer "rentrée littéraire 2015", ce qui m'a laissé penser qu'il faisait partie des sorties récentes, ce qui n'est en réalité pas le cas, ce roman date de 2010, et a été adapté en 2014 au cinéma (film que je n'ai pas vu, sinon vous vous doutez bien que j'aurais compris que le roman n'était pas de cette année ;-)).

Résumé: Brillant professeur à Harvard, Alice Howland adore sa vie, qu'elle partage entre les cours, la recherche et sa famille. Peu de temps avant son cinquantième anniversaire, elle s'étonne de ses trous de mémoire, de plus en plus fréquents. Sans doute est-ce le stress. Mais, un jour, Alice se perd dans son quartier en faisant son jogging, et décide de consulter un médecin. Le diagnostic est sans appel : elle est atteinte d'un Alzheimer précoce. A mesure que ses souvenirs s'effacent et que ses repères disparaissent, Alice doit apprendre à vivre au présent.

Alzheimer, on en a tous entendu parler. La grand-mère de mes cousines l'avait, j'ai vu mes cousines souffrir de voir cette femme si intelligente perdre tout contact avec la réalité, au point de devenir méchante avec ceux qu'elle aimait. Le grand-père de Mr Souris, même si officiellement il n'est pas touché, a une maladie équivalente (probablement liée à des micro-AVC à répétition), et il ne reconnaît plus personne, ne retient plus rien, mais par chance n'est pas méchant. Dans ma famille, c'est la grande crainte de ma grand-mère, qui passe sa vie à égarer ses affaires, et à les chercher paniquée à l'idée de devenir sénile, ma mère a repris les craintes à son compte, et dès qu'elle ne retrouve pas une idée ou un mot, se demande si elle n'est pas malade, et je dois avouer que c'est une des choses qui m'angoissent (en plus des poux, du cancer et des mélanomes....). Je n'ai pas spécialement de problèmes de mémoire, même si j'ai une mémoire assez sélective, je n'ai par exemple aucun souvenir de l'appartement où j'ai vécu jusqu'à mes 8 ans, j'oublie tous les films que je vois, et les noms des acteurs, et que Mr Souris passe son temps à me dire que j'ai vu ou fait des choses qui sont sorties de ma mémoire...
Mais c'est vrai que depuis que j'ai découvert qu'on pouvait souffrir d'Alzheimer précoce, ça me fait peur, parce que souffrir de cette maladie en étant âgé, c'est très dur, mais faire vivre ça à des enfants petits, c'est encore plus angoissant.

Pour en revenir à ce roman, il traite d'une façon très émouvante ce sujet difficile, du point de vue d'Alice, cette femme très intelligente qui à cause de la maladie perd peu à peu tout ce qui faisait sa vie. La narration s'adapte à l'évolution rapide de la maladie, pour nous immerger dans le quotidien de ces malades qui voient leurs repères disparaître, qui alternent les phases "calmes" et les phases de plus en plus fréquentes de désorientation.
Au travers du vécu d'Alice et de sa famille, on découvre l'irruption de la maladie dans le quotidien, les sorties, les gestes de tous les jours, les réactions de l'entourage, la gêne, la souffrance. Ce qui m'a plu, c'est qu'on ne sombre pas dans le mélo, mais qu'on n'est pas non plus dans le monde des bisounours. Alice se heurte à l'incompréhension, à une forme de rejet parfois, à la peur de ses enfants, qui découvrent qu'eux aussi sont sous la menace de cette maladie, mais qui face à cette menace n'auront pas tous les mêmes réactions. Son mari la soutient, mais il n'accepte pas vraiment cette maladie, et même si il l'accompagne du mieux qu'il peut, il n'a pas la même vision de l'avenir qu'elle, ne souhaite pas passer avec elle les derniers moments de lucidité qu'il lui restera.

Ce livre se lit très facilement, il fait réfléchir à la fois sur les malades et sur leur entourage, et il fait espérer qu'on trouve vite des remèdes pour cette maladie qui enlève aux malades tout ce qui faisait leur vie.

mercredi 23 septembre 2015

Où sont mes bébés????


Les Souriceaux auront 8 ans la semaine prochaine: 8 ans déjà qu'ils remplissent notre vie d'amour, de joie, de câlins, mais aussi de fatigue, d'angoisses, de disputes, de cris....

Ces 8 ans, je ne les ai pas vus passer, même si certains jours m'ont paru durer des éternités. Ils ont filé, et mes deux bébés sont devenus deux grands enfants, qui prennent doucement de l'autonomie (enfin surtout Miss Souricette en ce moment), même si il faut parfois que je me force pour les laisser faire "tout seuls comme des grands".

Les voir grandir, c'est leur laisser faire ce qui nous fait peur, ce qu'on ne peut pas maîtriser, parce que c'est ça être parents, apprendre à ses enfants à prendre leur envol sans risque. Alors j'essaye de ne pas trop angoisser quand je les vois prendre les bosses hors des sentiers battus lors de nos balades dans la forêt en vélo, j'essaye de ne pas penser à ce que mon loulou fait avec ses copains pendant leurs sorties du club VTT...

On dit toujours que les filles sont plus mûres que les garçons, je peux vous le confirmer, chez nous l'indépendance est féminine, Souricette vit sa vie comme elle l'entend (je ne vous raconte pas l'adolescence), elle nous affronte et nous pousse dans nos retranchements, mais elle est aussi capable de passer un après-midi entier plongée dans ses bouquins, sans qu'on l'entende. Son frère quant à lui est plus fonceur, il bouge, il s'agite, il court, il saute, mais c'est aussi un garçon très câlin, qui vient se blottir dans mes bras très souvent (j'en profite tant qu'il veut encore!!!!). Par contre, il est presque incapable de s'occuper seul, et si sa sœur ne se dévoue pas, il faut venir jouer au foot, au badminton ... avec lui (de préférence son père d'ailleurs).

Cette semaine, on a regardé avec eux les cadeaux pour leur anniversaire. Et leurs souhaits sont révélateurs de ces grands qui sont encore petits: d'un côté les grands vélos, presque des vélos d'adultes, avec des vitesses avant et arrière, de l'équipement de pro pour Souriceau, parce qu'il faut bien l'équiper pour l'hiver, et pour Souricette....un soin mère-fille dans un institut, 30 minutes de massage en duo qu'elle réclame depuis longtemps.... et puis de l'autre côté des légos et des playmobils, parce que finalement, ils sont encore à l'âge de construire et de s'inventer des histoires.

Autre manifestation de ce phénomène, hier soir, j'ai enfin vendu la mèche, ils se posaient la question depuis un an, et révélé que le Père Noël n'existe pas. J'ai pourtant hésité, toutes ces fois où ils m'avaient interrogée j'avais renvoyé la balle dans leur camp, j'avais botté en touche, mais cette fois-ci j'ai craqué. Pas pour nous simplifier la vie (même si ça va quand même être plus facile de faire comprendre aux enfants qu'ils n'auront pas toute leur liste de cadeaux), mais parce qu'ils commencent à être grands, que leurs copains n'y croient plus, et que j'ai eu un peu peur qu'on se moque d'eux à l'école, parce c'était de plus en plus dur de leur "mentir" les yeux dans les yeux, et pourtant j'ai eu peur de les décevoir, de casser cette magie qui leur mettait des étoiles dans les yeux. Il a par contre fallu que je leur fasse promettre de ne rien révéler à leurs cousins/cousines, plus jeunes, et ma fille m'a répondu "oui, parce que eux ils sont trop petits, ils seraient tristes!".

Bien sûr, je suis ravie de les voir grandir, cela nous permet de faire de plus en plus de choses avec eux, mais une page se tourne, celles des petits qui avaient aveuglément besoin de nous. Je voudrais profiter de chaque instant passé avec eux, de ces moments d'amour qu'ils me donnent tant qu'ils acceptent de le faire, je voudrais ne pas me fâcher après eux quand ils m'énervent après une journée de boulot, quand il faut se battre pour qu'ils aillent à la douche ou ses brosser les dents. Parce que je sais que ce temps qui passe ne reviendra pas, que ces moments me manqueront quand ils seront grands et n'auront plus besoin de moi...

En attendant, encore une semaine avant les bougies, il y a 8 ans je venais de fixer la date de la césarienne avec l'obstétricien, date qui est restée confidentielle sauf pour mon beau-père qui devait planifier son remplacement, et tout le monde pensait qu'il fallait encore attendre 1 semaine avant que le médecin décide de la date! Cette dernière ligne droite, ce sont eux maintenant qui la vivent, décomptant avec impatience les heures avant le jour J!

mardi 15 septembre 2015

Lecture: La femme qui dit non.


J'avais ce livre dans ma liste "à emprunter", mais je suis bien incapable de retrouver où j'avais pêché ce conseil de lecture.
Le résumé alléchant a achevé de me convaincre de sortir ce roman des rayons de la bibliothèque pour l'ajouter à ma PAL du moment.

Résumé:1938. Alors que le destin de l'Europe s'apprête à basculer à Munich, un voilier anglais accoste sur l'Ile-aux-Moines. A son bord, Charles Evans et sa fille Marge. La jeune fille anglaise rencontre là deux jeunes Bretons, Blaise de Méaban et son meilleur ami Mathias. Elle épouse Blaise et, se croyant enceinte, ne peut l'accompagner à Londres lorsqu'il s'embarque pour répondre à l'Appel du Général de Gaulle. Esseulée, elle fait alors de Mathias son amant - et le véritable père de son fils. Ce trop lourd secret de famille et les guerres feront le reste.
De la débâcle 1940 à l'épuration en passant par la déportation, de la guerre d'Indochine aux Jeux olympiques de 1964 en passant par la guerre d'Algérie, ce trio amoureux traverse un quart de siècle où la petite histoire se mêle à la grande. On y lit la lâcheté et l'opportunisme des hommes, mais aussi leur grandeur. Marge, joueuse et intrépide, délurée, tolérante et libre, raconte leurs choix et leurs trahisons, leurs défaites et leurs victoires, leurs joies et leurs amertumes. Elle aura fait de sa vie une fête galante et incarne une certaine idée de la France. Marge, a la marge des conventions ; Marge, au centre de tous ces destins.


Sur le papier, ce roman avait tout pour me plaire, mais il n'a finalement pas comblé mes attentes. Je n'ai pas trouvé Marge, la narratrice et personnage central du roman, très attachante. Ce qui au départ peut passer pour l'insouciance de la jeunesse tourne à l'égoïsme avec l'avancée du roman: Marge ne pense qu'à elle, ses décisions sont plus le fruit de l'opportunisme que de la raison. Son engagement dans la Résistance est plus lié à l'ennui qu'à un engagement véritable, elle n'hésite d'ailleurs pas à fréquenter des lieux remplis d'Allemands et de profiteurs du système, pour assouvir son besoin de jeu et de sorties.
Cet égoïsme pèse sur la vie des deux hommes qui l'aiment, puis sur celle de son fils, pour lequel elle n'assume d'ailleurs pas du tout son rôle de mère. Et quand la vie lui renvoie en pleine figure ses erreurs, et la met face à ses actes, elle révèle  là encore son égocentrisme: découvrir qu'un de ses hommes a pu construire une vie sans elle la rend furieuse, elle qui n'a jamais assumé et jamais choisi, et qui a forcé Mathias et Blaise à "cohabiter" dans sa vie, et la peur de tout perdre la rend lâche, elle refuse d'assumer ce qu'elle a fait.

Il est d'ailleurs surprenant qu'il faille si longtemps pour que ses choix lui explosent au visage, elle arrive finalement à slalomer et à toujours tirer son épingle du jeu, de façon presque incroyable, ce qui rend l'histoire parfois peu convaincante, mais ses alliances avec des opportunistes de la pire espèce lui permettent de se tirer d'affaire très longtemps, ce qui n'aide pas à l'apprécier, car elle en vient à cautionner ou tout du moins à tolérer ce qui ne devrait pas l'être.

Si j'ai été déçue par cette femme qui à mes yeux n'a pas dit non à grand chose, surtout pas à son plaisir et à ses envies, j'ai beaucoup aimé le contexte donné au roman, la deuxième guerre mondiale vue de la Bretagne, les Bretons indépendantistes, la guerre d'Indochine et la guerre d'Algérie qui confrontent justement l'indépendantisme et le colonialisme, l'arrivée de Mitterrand sur le devant de la scène politique, malgré ses choix passés, et malgré les doutes de ses concitoyens. J'ai aimé retrouver dans ces pages la Bretagne, l'Ile-aux-Moine et le climat breton, Nantes et les lieux que j'ai découverts quand j'étais étudiante, la Cigale, le passage Pommeraye...
J'ai aussi été séduite par l'écriture de ce roman, le côté cynique de la narration qui se traduit dans les mots et les phrases. Plusieurs fois je me suis arrêtée sur une tournure, en me disant qu'il fallait que je la note pour en parler, mais bien sûr je ne l'ai pas fait, cela dit cela ne m'arrive pas souvent, c'est donc à noter, pour moi qui ne suis pas très sensible au style.

Lecture mitigée donc, parce que j'attendais plus de cette femme qui dit non, qui à mon sens ne mérite pas son titre, sauf dans le sens "négatif" du terme. J'attendais une héroïne avec des convictions dans un monde en plein bouleversement, et c'est une femme centrée sur elle-même que j'ai découverte, sauvée seulement par son amour de la terre bretonne que je ne peux que valider.

dimanche 6 septembre 2015

Lecture: Nymphéas noirs


J'avais noté ce titre chronique par Galéa, qui bien que peu adepte de romans policiers semblait avoir apprécié la lecture.

Résumé: Tout n'est qu'illusion, surtout quand un jeu de miroirs multiplie les indices et brouille les pistes. Pourtant les meurtres qui troublent la quiétude de Giverny, le village cher à Claude Monet, sont bien réels. Au cœur de l'intrigue, trois femmes : une fillette de onze ans douée pour la peinture, une institutrice redoutablement séduisante et une vieille femme aux yeux de hibou qui voit et sait tout. Et puis, bien sûr, une passion dévastatrice. Le tout sur fond de rumeur de toiles perdues ou volées, dont les fameux Nymphéas noirs. Perdues ou volées, telles les illusions quand passé et présent se confondent et que jeunesse et mort défient le temps. Un étonnant roman policier dont chaque personnage est une énigme.

Michel Bussi, je l'avais découvert avec Code Lupin, qui m'avait moyennement plu, alors que sur le papier, pour la grande lectrice de Lupin que j'ai été, il avait tout pour plaire (et d'ailleurs du coup je ne l'a pas chronique, j'ai toujours du mal à écrire sur les livres qui ne m'ont pas plu, même si j'ai travaille ;-)).
Nymphéas noirs avait cependant lui aussi tout pour me plaire:
1- c'est un roman policier, genre que je dévore depuis toute petite (et ma Souricette suit mon chemin en ne lisant que des livres policiers, merci "Le club des Cinq" et "Alice")
2- il a plu à Galéa, ce qui est en général pour moi une recommandation valable (sauf pour Modiano, désolée ma belle)
3- les Impressionnistes font partie des rares peintres trouvant grâce à mes yeux, avec Kandinsky, Munch et Vermeer (oui, je sais, j'ai des goûts bizarres et assez hétéroclites), et j'ai adoré la visite de Giverny faite avec Mr Souris quand nous étions jeunes et innocents (comprendre sans enfants!)

Je dois avouer que je n'ai clairement pas été déçue par ce roman, qui m'a emportée à la fois dans les jardins fleuris du peintre, et dans une enquête étrange et envoûtante. La fin m'a totalement surprise, mais c'est ce qui fait en grande partie la réussite de ce roman.
L'autre réussite, ce sont les personnages, le duo de flics si différents et si complémentaires, le besogneux, qui fait des listes (ça, ça me parle), et le flic qui s'y connaît en art, la vieille dans son moulin, la belle institutrice, la jeune peintre surdouée, mais aussi tous ceux qui gravitent autour d'eux, le vieux peintre américain, Paul, Vincent, Camille, Mary, Patricia, Jérôme, personnages secondaires qui ne le sont pas tant que ça.

Et puis il y a Giverny, le Giverny de Monet, qui a modelé le paysage à sa convenance, en créant cet étang qui lui permettra de peindre ses Nymphéas, et le Giverny moderne, l'attraction touristique, avec les cars d'où débarquent des milliers de visiteurs. J'ai beaucoup aimé les passages sur l'influence de Monet, ses relations avec les voisins (qu'il doit payer pour obtenir de conserver son paysage inchangé), et sur l'évolution de sa peinture avec les années. Ca m'a aussi donné envie de lire "Aurélien", d'Aragon (même si il va falloir que j'attende mon prochain passage à la bibliothèque), que je n'ai encore jamais lu.

Dévoré en une après-midi, c'est une lecture facile et très agréable, un vrai roman policier pour un bon moment de détente et de plaisir, je vous le recommande.

samedi 5 septembre 2015

Lecture: Constellation


Malgré l'avis mitigé de Galéa, j'ai eu envie de lire le premier roman d'Adrien Bosc, parce que j'aime bien l'idée de départ de retracer à la fois les causes de l'accident, et de donner aussi leur place aux passagers inconnus de cet avion dont on a retenu surtout les deux occupants célèbres, Marcel Cerdan et Ginette Neveu.

Résumé: Le 27 octobre 1949, le nouvel avion d’Air France, le Constellation, lancé par l’extravagant M. Howard Hughes, accueille trente-sept passagers. Le 28 octobre, l’avion ne répond plus à la tour de contrôle. Il a disparu en descendant sur l’île Santa Maria, dans l’archipel des Açores. Aucun survivant. La question que pose Adrien Bosc dans cet ambitieux premier roman n’est pas tant comment, mais pourquoi ? Quel est l’enchaînement d’infimes causalités qui, mises bout à bout, ont précipité l’avion vers le mont Redondo ? Quel est le hasard objectif, notion chère aux surréalistes, qui rend « nécessaire » ce tombeau d’acier ? Et qui sont les passagers ? Si l’on connaît Marcel Cerdan, l’amant boxeur d’Édith Piaf, si l’on se souvient de cette musicienne prodige que fut Ginette Neveu, dont une partie du violon sera retrouvée des années après, l’auteur lie les destins entre eux. "Entendre les morts, écrire leur légende minuscule et offrir à quarante-huit hommes et femmes, comme autant de constellations, vie et récit. "

J'ai du mal avec les romans basés sur des faits réels: je ne sais pas distinguer ce qui est la vérité et ce qui relève de la fiction, ce qui m'empêche d'apprécier le travail du romancier et/ou le travail de recherche de l'auteur. Cela dit vraies ou fausses, j'ai bien aimé les tranches de vie des passagers, célèbres ou inconnus, même si elles sont très brèves. Ces femmes et ces hommes qui avaient leurs propres histoires, leurs soucis, leurs espérances, mais qui tous ont vu leur destin tranché net en ce jour funeste. De tous les milieux sociaux et professionnels, de tous âges, de plusieurs nationalités, mais tous passagers du même vol funeste, unis par un ensemble de petites causes qui ont conduit à ce crash.

J'ai aussi bien aimé l'enquête menée après ce crash, à une époque où l'on n'avais pas les boîtes noires pour expliquer et comprendre, et où on envoyait un autre avion similaire retracer le parcours mortel pour tenter d'élucider les accidents.

Je ne sais pas si on peut véritablement appeler ce livre un roman, pas d'histoire suivie, plutôt une succession de petites anecdotes reliées entre elle par le récit du vol et de l'accident, mais je l'ai trouvé intéressant, et j'ai été touchée par cette visibilité donnée à ces inconnus qui méritaient aussi d'être connus.

Ce qui m'a le plus gêné, ce sont les digressions de l'auteur, comme des idées qui surgissent au fil de son écriture. Autant certaines sont pertinentes pour définir le contexte de l'époque, autant je n'ai pas été convaincue par d'autres, telles que les coïncidences de dates (forcément, on trouve toujours des évènements qui se produisent aux mêmes dates avec des années d'écart, mais cela relève pour moi plus de la statistique que de la coïncidence à relever), ou le final avec Blaise Cendrars, je n'ai pas compris en quoi cela avait sa place dans le roman. Ne parlons pas du dernier paragraphe sur la date de naissance de l'auteur, qui à part par la présence du mot constellations, n'a à mon avis aucun intérêt (mais cela n'engage que moi!).

Lecture mitigée en résumé, où l'intérêt concernant l'enquête menée par l'auteur est tempéré par ce qui sort du cadre de cette enquête, introduisant une dimension étrange de réflexion qui ne m'a pas séduite.