C'est grâce aux "paniers mystère" de ma bibliothèque que j'ai eu la chance de découvrir ce roman. Le concept: pendant les vacances d'été, nos bibliothécaires préparent de grands sacs fermés, avec juste le thème affiché, contenant des romans, bds... correspondant au thème. On emprunte "à l'aveugle". Et je dois avouer que si je n'accroche pas avec tous les romans proposés, je fais toujours de très belles découvertes, ce qui fût le cas avec "Mille petits riens".
Résumé: Ruth est sage-femme depuis plus de vingt ans. C'est une employée modèle. Une collègue appréciée et respectée de tous. La mère dévouée d'un adolescent qu'elle élève seule. En prenant sons service par une belle journée d'octobre 2015, Ruth est loin de se douter que sa vie est sur le point de basculer. Pour Turk et Brittany, un jeune couple de suprémacistes blancs, ce devrait être le plus beau moment de leur vie: celui de la venue au monde de leur premier enfant. Le petit garçon qui vient de naître se porte bien. Pourtant, dans quelques jours, ses parents repartiront de la maternité sans lui.
Kennedy a renoncé à faire fortune pour défendre les plus démunis en devenant avocate de la défense publique. Le jour où elle rencontre une sage-femme noire accusée d'avoir tué le bébé d'un couple raciste, elle se dit qu'elle tient peut-être là sa première grande affaire. Mais la couleur de peur de sa cliente, une certaine Ruth Jefferson, ne la condamne-t'elle pas d’avance?
Ce livre est un pavé, mais je l'ai dévoré d'une traite! Décomposant ce roman en phase comme celles d'un accouchement, Jodi nous emmène au travers de l'histoire vers un final en apothéose, comme une sage-femme emmène ses patientes vers la délivrance.
Au travers des voix de trois des protagonistes, Ruth, la sage-femme, Turk, le père anéanti, et Kennedy, l'avocate de Ruth, on suit tout le déroulé, de la naissance du bébé à la fin du procès et à ses suites (fin dont je ne parlerai pas pour laisser un peu de suspense).
Au départ, une situation somme toute banale, une sage-femme qui doit s'occuper d'un nouveau-né. Mais un enchaînement de décisions et d'actions va conduire cette femme sans histoire sur le banc des accusés, à devoir répondre de la mort d'un bébé. Enchaînement déclenché par le fait que les parents ne veulent pas d'une sage-femme de couleur.
Se pose alors la question de la défense: faut-il utiliser l'argument du racisme, comme cela peut sembler naturel, et comme le pense Ruth? Ou ne travailler que sur la "non-responsabilité" de Ruth dans la mort du bébé, ne justifier que la "non-faute professionnelle", sans aborder le sujet de la discrimination, comme le recommande Kennedy? Et la raison invoquée par cette dernière, on n'aborde jamais la question raciale dans un tribunal, est-elle vraiment recevable?
A travers ce roman Jodi Picoult nous pousse à réfléchir au racisme, mais pas uniquement au racisme affiché, celui de Turk et Brittany, mais aussi au racisme ordinaire, celui qui pousse les vigiles à contrôler certains sacs plus que d'autres, et au racisme caché, à notre façon d'agir inconsciemment, révélant nos préjugés, nos a priori. Le simple fait d'agir pour ne pas être raciste revient à l'être. Nous ne devrions pas conditionner nos actes à la couleur de peau de nos interlocuteurs. Comme Kennedy, la parole de Ruth nous pousse à nous remettre en question.
Mais Ruth aussi remet en question ce qu'elle a ressenti pendant longtemps vis-à-vis des "Blancs" de son entourage: elle aussi a regardé le monde avec un oeil biaisé, considérant qu'elle n'était que tolérée, mais pas vraiment intégrée, pas vraiment "de la famille". Mais elle va devoir se confronter avec ses propres préjugés, qui l'ont conduit à mettre dans la tête des gens des pensées qu'ils n'avaient pas.
Enfin au travers de Turk et Brittany, c'est aussi l'origine du racisme dur qui est en question: qu'est-ce qui a vraiment poussé le père de Brittany et son mari vers cette voie d'intolérance? Turk trouve en réalité dans le mouvement un groupe, des repères, et on pourrait dire que finalement les convictions viennent après l'embrigadement, et leur fondement n'est pas si profond.
Ce livre est aussi un bel hommage au métier de sage-femme, à celles qui accompagnent les parents dans la beauté de la naissance mais parfois aussi dans la douleur de la perte, celles qui prennent soin de nos tout-petits à leur entrée dans le monde. Les anecdotes de Ruth sont émouvantes, et nous rappellent combien sont importantes ces femmes (et ces hommes).
Enfin, il y a dans ce roman une réflexion sur le rôle des parents, et le rôle de mère en particulier: relation entre Ruth et sa mère, entre Ruth et son fils, entre Kennedy et sa mère, et Kennedy et sa fille. On y voit l'importance du lien, de l'écoute, la volonté des parents de donner toutes les chances à leurs enfants, mais la difficulté parfois à leur faire comprendre, ou à les comprendre. J'ai souri aux passages avec Kennedy et sa fille, peut-être parce que n'ayant pas encore de (vrais) adolescents les problèmes rencontrés par Ruth me parlent moins, mais qui n'a pas vécu les crises d'habillage ou pour manger, et qui n'a pas cédé à la facilité d'un burger pour éviter une crise?
En résumé une très belle découverte, un roman qui se dévore mais nous fait réfléchir, je vous le recommande sans hésiter!
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