mercredi 28 mars 2018
Lecture: Poulets grillés
Je cherchais des romans policiers pour me détendre, et je suis tombée par hasard sur ce livre, dont la couverture m'a intriguée. Le résumé a fait le reste et je suis repartie avec le roman sous le bras.
Résumé: Lorsque le divisionnaire Buron décide de faire briller les statistiques du 36, il regroupe dans une brigade dont il confie le commandement à la commissaire Anne Capestan, reine notoire de la bavure, tout ce que la police judiciaire compte d’alcoolos, d'homos, de porte-poisse, d'écrivains, de crétins......pour élucider des affaires classées. Mais voilà, Capestan aime enquêter, travailler en équipe, et, surtout, contrarier sa hiérarchie.
Une équipe improbable, des affaires vieilles de plusieurs années, tout était réuni pour que la brigade échoue. Mais c'est sans compter sur la volonté de son commissaire, bien décidée à ne pas rester confinée dans son placard et à montrer de quoi ils sont capables.
Roman policier plein d'humour, avec des personnages certes rocambolesques mais attachants, entre l’alcoolique mondain, le rencardeur de la presse, la scénariste, le porte-poisse, le boeuf-carotte, le fou du volant....Privée de moyens d'actions officiels, la commissaire va mettre à profit toutes les compétences de ses troupes pour parvenir à ses fins, n'hésitant pas à braver sa hiérarchie pour boucler ses enquêtes. Et prouver que même bancale, sa brigade mérite sa place au sein du 36!
Une telle accumulation de bras cassés aurait pu faire "faux", mais ça fonctionne, j'ai accroché avec cette équipe hors du commun. Ca a un petit côté "Département V" à la française, mais en plus léger, en moins noir, l'humour y est plus présent et donne un véritable côté décalé à ce roman qui reste néanmoins un vrai roman policier, avec des enquêtes qui tiennent la route.
Ce roman se lit facilement, on est loin des romans policiers sombres qui vous minent le moral, là c'est sourire et détente garantis, parfait pour un petit moment de lecture sans prise de tête! Je n'hésiterai pas à emprunter la suite lors de mon prochain passage à la bibliothèque.
mardi 27 mars 2018
Lecture: La salle de bal
J'avais beaucoup aimé le premier roman d'Anna Hope, c'est donc sans hésitation que j'ai emprunté ce nouvel opus à la bibliothèque.
Résumé: Lors de l'hiver 1911, l'asile d'aliénés de Sharston, dans le Yorkshire, accueille une nouvelle pensionnaire: Ella, qui a brisé une vitre de la filature dans laquelle elle travaillait depuis l'enfance. Si elle espère d'abord être rapidement libérée, elle finit par s'habituer à la routine de l'institution. Hommes et femmes travaillent et vivent chacune de leur côté: les hommes cultivent la terre tandis que les femmes accomplissent leurs tâches à l'intérieur. Ils sont néanmoins réunis chaque vendredi dans une somptueuse salle de bal. Ella y retrouvera John, un "mélancolique irlandais". Tous deux danseront, toujours plus fébriles et plus épris. A la tête de l'orchestre, le docteur Fuller observe ses patients valser. Séduit par l'eugénisme et par le projet de loi sur le Contrôle des faibles 'esprit, Fulller a de grands projets pour guérir les malades. Projets qui pourraient avoir des conséquences désastreuses pour Ella et John.
Sous la plume fluide d'Anna Hope, ce roman nous transporte au début du siècle dernier, juste avant la première guerre mondiale, dans un pays soumis à de fortes tensions économiques.
Ce roman est d'abord l'histoire d'Ella et de John, une histoire d'apprivoisement et d'amour, de renaissance, mais sans mièvrerie, tout en pudeur et en délicatesse:
Ella est internée pour avoir brisé une fenêtre, pour avoir eu besoin d'air dans l'univers étouffant dans lequel elle vit et travaille depuis sa plus tendre enfance, et ce geste va la conduire à un enfermement encore plus dur.
John quant à lui a sombré après la mort de sa fille et le départ de sa femme, mais c'est la misère qui l'a conduit à l'asile, et non la folie. Irlandais, il subit les foudres d'un ancien interné devenu gardien, qui mériterait bien plus sa place entre les murs de l'asile.
Ella veut s'enfuir, mais finit par se résigner à son enfermement, John s'est accommodé de sa vie, mais ne participe pas au temps fort de la vie des internés, le bal du vendredi soir. C'est contraint par le docteur Fuller qu'il va devoir y aller, qu'il va rencontrer Ella, et cette rencontre va changer leur vie malgré eux.
John va par ses lettres offrir à Ella la liberté dont elle est privée, lui faisant partager les moments qu'il passe à l'extérieur. Loin de grandes déclarations, ce sont des petites escapades qui ouvrent le cœur d'Ella, et vont ramener John sur le chemin de la vie.
Si au premier abord Sharston peut sembler être un lieu propice à la guérison des personnes qui y sont internées, bénéficiant d'une saine activité, d'une nourriture équilibrée et suffisante, et même de musique et de danse, au travers des récits d'Ella et de John c'est une toute autre image qui émerge: internements arbitraires et peu justifiés, dortoirs bondés, liberté restreinte, traitement inhumain de la part du personnel, punitions et brimades, activités soumises au bon vouloir des médecins et infirmières, travail dur et répétitif, la vie est loin d'être rose pour ces internés qui n'ont parfois comme seul tort que celui d'être nés pauvres et de souffrir de la misère, de la faim....
Ces femmes et ces hommes sont considérés comme des faibles d'esprit, et font l'objet de nombreuses réflexions pour éviter qu'ils ne "contaminent" l'Angleterre par leur multiplication.
Au travers des réflexions de Charles Fuller, un des médecins de l'asile, on aborde le sujet de l'eugénisme, et de la façon de mener cette "amélioration de la race", soit par stérilisation des sujets considérés comme inaptes, théorie prônée à l'époque, y compris par Churchill, soit comme le préconise d'abord Fuller qui veut montrer que le fonctionnement de Sharston et l'utilisation de la musique permet d'atteindre les mêmes résultats.
Mais ses réflexions conduisent Fuller à s'interroger sur ces "êtres inférieurs", qui par bien des égards lui sont supérieurs, et qui pour certains sont loin d'être aussi inaptes que leur internement pourrait le laisser penser. Et si cette analyse devrait conduire Fuller à rejeter la politique de stérilisation, elle va bien au contraire le faire basculer, et avec lui le destin des autres protagonistes de l'histoire, en particulier d'Ella et de John.
Fuller n'est pas un personnage sympathique, contrairement à John et Ella, mais je dois reconnaître que l'idée d’utiliser la musique comme thérapie me plaît, seule bonne action de cet homme finalement mal dans sa peau, cherchant sa place dans un monde qui n'accepterait pas ce qu'il est au fond de lui, et qui pourrait le renvoyer aux côtés de ceux qu'il soigne.
Il y a enfin un personnage sans qui l'histoire d'Ella et John ne pourrait se réaliser, c'est Clem, la co-internée d'Ella, jeune fille de bonne famille aux tendances suicidaires, que sa famille a placé volontairement à Sharston, et qui fait tout son possible pour y rester, en attendant de trouver sa voie. C'est une jeune femme cultivée, passant sa vie dans les livres, et qui à cause des théories sur la place des femmes et le rôle subversif de la lecture et la culture va elle aussi voir son destin basculer.
Clem et Ella incarnent ce que la société pensait des femmes, dont la place était soit de travailler sans se plaindre pour la famille dans les milieux pauvres, soit d'assumer le rôle d'épouse et de mère qui leu était dévolu, sans avoir le droit de réfléchir et de penser.
Une lecture très riche, qui confirme pour moi le talent d'Anna Hope, capable à travers ses romans d'aborder de vrais sujets de réflexions ancrés dans l'histoire.
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Participation à "A year in England"